Et si la direction des systèmes d’information (DSI) aidait l'entreprise à franchir un cap décisif dans la réalisation de ses engagements environnementaux ? Avec une approche responsable du numérique, la DSI détient en effet un levier particulièrement efficace pour réduire l’empreinte carbone de l'organisation.
En 2022, PwC France et Maghreb s'est de nouveau impliqué dans les travaux de la commission Transition écologique et numérique du Digiworld Institute. Les dernières recommandations publiées par cette commission offrent un cadre précis aux DSI prêts à déployer une feuille de route environnementale pour un numérique responsable.
Jean-Baptiste Petit, directeur Développement durable, PwC France et Maghreb, et Franck Martin, directeur du Numérique responsable, PwC France et Maghreb, détaillent les grandes étapes d’une feuille de route numérique responsable et partagent les enseignements tirés de sa mise en œuvre par la DSI au sein du cabinet.
Jean-Baptiste Petit - Le Digiworld Institute définit le numérique responsable comme une démarche d'amélioration continue alignée sur les objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies visant à renforcer l’impact positif du numérique dans les champs de l’environnement, du social et de l’économie.
La commission à laquelle j’ai participé s’est concentrée sur le champ environnemental, dominé par quatre grands concepts.
Deux concepts purement environnementaux : Green IT s’attache à réduire l’impact environnemental des produits et services numériques ; IT for Green, où le numérique se met à la disposition d’autres secteurs pour réduire leur impact environnemental.
Deux concepts à impact environnemental, social et économique : la conception numérique responsable vise à améliorer la performance sur ces trois critères ; l’écoconception intègre la protection de l’environnement dès la conception du logiciel, et à ce titre le taux de renouvellement des ressources exploitées, avec le recours à l’économie circulaire (valorisation des déchets par le réemploi, réparation, recyclage).
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Jean-Baptiste Petit - La réglementation concerne déjà de nombreuses entreprises. Le 15 novembre 2021, la France a publié une loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique du pays. En Europe, les investisseurs sont tenus par la taxonomie verte de conditionner leurs financements aux engagements tenus des entreprises en matière de RSE, sobriété numérique comprise. À partir de 2025, sur le reporting 2024, la CSRD renforcera ces exigences.
Mais nous pouvons aussi spontanément jouer un rôle, individuellement et collectivement, pour rendre le numérique plus responsable. Au niveau de l’entreprise et des collectivités, la prise de conscience de l’impact environnemental du numérique est réelle mais les intentions ne sont pas systématiquement suivies d’un passage à l'action. Les travaux conduits avec le Digiworld Institute visent à faciliter l’entrée des organisations dans une démarche concrète de numérique responsable.
Franck Martin - Chez PwC, le sujet du numérique responsable a commencé avec notre ambition zéro émission nette 2030. Définie par le cabinet au niveau mondial, elle a été déclinée en objectifs précis de réduction de l'empreinte environnementale pour la France et le Maghreb. Nous nous sommes fixé l’objectif spécifique et plus ambitieux de réduire de 50% nos émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à la technologie en 2025 par rapport à notre année de référence 2019.
Nous sommes convaincus que les entreprises ne doivent pas se limiter au climat et aux émissions de GES quand elles réfléchissent aux impacts environnementaux de leur usage du numérique. Ces derniers incluent également la consommation d’eau et d’énergie, ainsi que l’épuisement des métaux rares. Les impacts sociaux vont quant à eux de l'accessibilité à la fracture numérique (géographique, générationnelle). Une question comme l'obsolescence programmée des matériels et des logiciels est doublement préoccupante : elle accroît la fracture numérique tout en obligeant à renouveler les équipements à un rythme artificiellement rapide, avec un impact en termes de coûts et de déchets.
Nous avons encore peu de cas d’usage complets dont s’inspirer, comme celui de la Région Bretagne, décrit dans le rapport du Digiworld Institute. S’il n’existe pas d’approche standardisée, nous avons cependant identifié quatre facteurs de succès.
La mise en œuvre opérationnelle du numérique responsable en entreprise est complexe du fait d’un certain nombre de freins, notamment :
Techniques : diversité des méthodes d’évaluation, absence de données, difficulté à inventorier le parc informatique, manque de standards et de taxonomies ;
Économiques : manque de moyens alloués ;
Réglementaires : absence de réglementations incitatives ou lourdeur des réglementations à mettre en œuvre ;
Culturels : en l’absence d’une culture d’entreprise favorable au numérique responsable, les collaborateurs peuvent ne pas voir spontanément l’intérêt d’une telle démarche ;
Une fois les freins identifiés, il est utile de recenser les leviers qui faciliteront une démarche de numérique responsable au sein de l’entreprise.
Si certains leviers peuvent être actionnés localement, tous doivent être pensés dans une stratégie globale d’entreprise et priorisés en fonction des populations à convaincre.
Le socle de la démarche repose sur l'attribution des responsabilités objectif par objectif.
Par exemple, les achats peuvent prendre l’initiative, secondés par la DSI et la direction RSE, sur l’acquisition de matériel écolabellisé ou reconditionné. Pour allonger la durée de vie des équipements, la DSI et la direction RSE peuvent prendre la main, avec l’accompagnement de la communication interne. Chaque direction se verra ainsi chargée de rendre compte d’un lot d’indicateurs déterminés.
La gouvernance est cruciale dans une démarche de numérique responsable. Portée au plus haut niveau de l’organisation, elle doit permettre l'alignement de la stratégie de l'entreprise et de la feuille de route à déployer, en précisant notamment :
les responsables en charge de la mise en œuvre ;
les objectifs à atteindre ;
les indicateurs de pilotage du projet.
La démarche de numérique responsable implique l’adhésion des collaborateurs. Cela passe notamment par :
La formation, à tous les niveaux hiérarchiques, aux problématiques environnementales. Le développement de ces nouvelles compétences doit figurer dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ;
L’intégration du concept de numérique responsable dans les valeurs et la culture de l’entreprise, notamment si elle appartient au secteur des technologies.
Une politique de rémunération incitatrice ou l’indexation de primes aux équipes sur des objectifs quantitatifs.
Vis-à-vis de son écosystème, l’entreprise a déjà de nombreux dispositifs éprouvés à sa disposition, tels que :
Des clauses de sobriété numérique dans les appels d’offres et des spécifications dans le code de conduite à l’attention des prestataires et fournisseurs ;
Merci également à Romain Garnier, Senior manager, PwC France et Maghreb, pour sa contribution aux travaux du Digiworld Institute sur le numérique responsable.