Bpifrance, l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (Orse) et PwC France et Maghreb publient la seconde édition de leur enquête “RSE, la parole aux fournisseurs”. L’étude constate une prise de conscience renforcée sur les sujets de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), qui font l’objet d’attentes tout au long de la relation clients-fournisseurs.
Tous convaincus de l’intérêt d’une démarche RSE, passage obligé dans la relation commerciale et point d’attention renforcé par la loi sur le devoir de vigilance, les interlocuteurs ne sont cependant pas toujours sur la même longueur d’ondes.
En donnant la parole aux fournisseurs, cette publication est l’occasion de revenir sur les bonnes pratiques à renforcer ou à mettre en place pour des collaborations clients-fournisseurs au service de la RSE.
Pour aller plus loin : regarder le replay du webcast “RSE, La parole aux fournisseurs : Restitution et échanges”.
Introduites par Philippe Kunter, directeur développement durable et ESG, Bpifrance, et Sylvain Lambert, associé développement durable, PwC France et Maghreb, et vice-président de l’Orse, deux tables rondes ont donné la parole à Guillaume de Bodard, président de la commission environnement et développement durable, Confédération des PME, Patricia Charrier-Izel, directrice générale, Fédération des entreprises de propreté, Nathalie Leroy, déléguée générale, Conseil national des achats (CNA), Thomas Lesueur, Commissaire général au développement durable, ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Audrey Miclard, directrice développement durable, Kiloutou, Emmanuel Pelegry, directeur du développement commercial France, Kiloutou, et Olivier Wallon, responsable des achats durables, Groupe Vinci.
Les fournisseurs remarquent une meilleure prise en compte des engagements RSE dans le choix de leurs prestations par les clients. Cependant, ils constatent que la RSE reste une condition importante mais non différenciante d’accès aux marchés.
Dans la pratique, la performance RSE des fournisseurs n’est pas valorisée au travers du prix de vente de leurs produits ou services (70% en 2022 vs. 79% en 2020). “Nos clients ne sont pas prêts à payer le coût de leurs demandes”, regrette un dirigeant d’ETI dans l’industrie automobile.
En outre, pour près de la moitié des fournisseurs, la performance RSE ne donne pas non plus d’avantage pour maintenir des contrats ou obtenir de nouveaux marchés.
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Les sollicitations de leurs clients conduisent les fournisseurs à structurer leur gouvernance RSE. Afin de mieux se positionner lors des appels d’offres, ils sont de plus en plus nombreux (58% en 2022 vs. 42% en 2020) à avoir désigné une personne en charge des questions RSE. Cette proportion s'élève à 70% lorsque les clients de l’entreprise sont majoritairement des ETI et de grandes entreprises. Dans les plus petites entreprises, les réponses aux sollicitations RSE sont prises en charge directement par les dirigeants. Une évolution intéressante se dessine également dans l’implication croissante du service Qualité, hygiène, sécurité, environnement (QHSE), qui gagne +12 points par rapport à 2020.
Une grande partie des fournisseurs (43% en 2022 vs. 50% en 2020) estime que les pratiques d’achats de leurs clients ne sont pas conformes aux principes d’achats responsables. Les acheteurs s’éloignent des bonnes pratiques notamment en faisant pression à la baisse sur les prix (86%), un indicateur qui reste très élevé.
Les autres pratiques en contradiction avec la recherche d’engagements RSE chez les fournisseurs sont en recul, telles que le déséquilibre des clauses contractuelles (61%), le non-respect des délais de paiement (41%, soit 18 points de moins qu’en 2020) ou la modification unilatérale d’un contrat (22%).
Les fournisseurs reconnaissent majoritairement que les demandes RSE de leurs clients les conduisent à améliorer la qualité de leur offre et/ou de leurs processus, générant potentiellement de nouvelles opportunités.
Cependant, la plupart (82%) ne se sentent pas accompagnés par leurs clients, même lorsque ces derniers sont de grandes entreprises dotées d’équipes RSE. Or, les démarches RSE demandent des compétences de plus en plus techniques et un investissement en temps de plus en plus important. Par exemple, un plus grand nombre de donneurs d’ordre (33% en 2022 vs. 16% en 2020) attendent une évaluation extra-financière, très chronophage, de l’entreprise. Quelle contrepartie les clients apporteront-ils aux fournisseurs qui s’investissent ?
L’accompagnement du client consiste le plus souvent en une aide pour définir des plans d’actions ou l’animation d’ateliers. Il peut aussi prendre la forme d’initiatives plus novatrices, comme la mise en relation avec d’autres entreprises pour mutualiser les efforts, un accompagnement financier ou des mesures d’incitation et de compensation (contrats à prix fixe, partage des gains résultant d’améliorations à impact).
L’enquête montre enfin que l’exemplarité des donneurs d’ordre en matière d’achats et d’engagements responsables est fortement attendue. Or, une grande partie des répondants note une dissonance entre les exigences des acheteurs et leurs pratiques en matière de RSE.
Les écarts observés concernent en premier lieu (46%, en baisse de 26 points) la loyauté des pratiques commerciales, telle qu’elle se manifeste par exemple par le respect de la propriété intellectuelle et des clauses contractuelles. Suivent les matières premières et circuits courts, où l’écart se creuse (+12 points par rapport à 2020).
Parmi les autres critères mentionnés, les relations et conditions de travail ainsi que la consommation énergétique et le bilan carbone figurent en bonne position. Les fournisseurs signalent également une certaine dissonance sur les sujets d’éthique des affaires (19%).
Un cinquième des fournisseurs déclare avoir déjà refusé une commande en raison des pratiques sociales ou environnementales du client. Pour déminer ces situations, les donneurs d’ordre ont tout intérêt à faire connaître leur dispositif d’alerte (boîte mail, référent éthique, etc.) à leurs fournisseurs.
Aujourd’hui, la moitié des fournisseurs déclare que leurs clients n’ont pas mis à leur disposition de mécanismes d’alerte ou ne pas en avoir été informés. Est-ce un problème de communication des clients vis-à-vis de leurs fournisseurs, ou une faiblesse dans la mise en place de ces dispositifs, pourtant obligatoires ? Le sujet mériterait de faire l’objet d’échanges plus précis entre fournisseurs et acheteurs.
Enfin, les fournisseurs appellent de manière générale à plus de transparence et d’interactions avec leurs donneurs d’ordre. Dans le cadre des appels d’offres, la majorité (62% en 2022 vs. 69% en 2020) ignore encore comment les critères RSE sont pondérés. Les donneurs d’ordres gagneraient à communiquer la grille de pondération aux parties prenantes.
De même, les fournisseurs attendent un retour de leurs clients sur les réponses qu’ils leur ont apportées sur des sujets sociaux et environnementaux. Un grand nombre d’entre eux (44% en 2022 vs. 51% en 2020) regrettent de ne pas recevoir ce feedback.
De manière volontaire ou sous la pression de la réglementation, les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ont progressivement intégré les politiques d’achats des grandes entreprises donneuses d’ordre, les amenant à davantage solliciter leurs fournisseurs sur ces questions.
Si les démarches RSE des donneurs d’ordre sont fréquemment analysées, celles des fournisseurs restaient peu explorées. Après une première enquête en 2019 sur la perception des fournisseurs quant aux exigences RSE, Bpifrance, l’Orse et PwC France et Maghreb ont de nouveau interrogé les fournisseurs sur leur vision et leurs pratiques de la RSE. L’enquête 2022 fait la part belle aux messages des fournisseurs à leurs donneurs d’ordre afin d’établir les bases d’une coopération RSE fructueuse.
Lire l’intégralité de l’enquête 2022, RSE : la parole aux fournisseurs.
Merci à Sophie Tissier de Mallerais, manager PwC France et Maghreb, pour sa contribution à ce texte.