Quelle part la RSE occupe-t-elle dans la rémunération des dirigeants ?

rémunration des dirigeants
  • Publication
  • 07 févr. 2024

Aujourd'hui, dans la plupart des entreprises, la question n’est plus de savoir si des critères RSE doivent ou non être intégrés à la rémunération variable des dirigeants. L’étude Critères RSE et rémunération publiée par l’Orse avec PwC France et Maghreb et le Pacte mondial Réseau France met en lumière le tournant stratégique pris à ce sujet par les entreprises. Décryptage de l’enquête par Sylvain Lambert, Associé co-responsable des activités développement durable, PwC France et Maghreb.

Critères RSE et rémunération des dirigeants

Comment évolue la prise en compte des objectifs RSE dans la rémunération variable des dirigeants ?

Historiquement, les éléments clés liés à la performance d’une activité économique ont toujours fait l’objet d’objectifs formels pour les dirigeants, bien souvent liés à leur rémunération. Or, une redéfinition de la notion de performance est en cours : de purement financière, elle se fait globale en intégrant des objectifs de durabilité. Nous avons donc voulu mesurer l’évolution de la prise en compte de la RSE dans les rémunérations.

Par rapport aux précédentes enquête, publiées en 2013 et 2017, nous observons ces grandes tendances :

  • Une généralisation de la prise en compte des critères RSE dans les différents dispositifs de rémunération des dirigeants (variable de court et/ou de long terme, intéressement). En France, il devient incontournable de déployer une telle politique au sein de la gouvernance des entreprises. 

  • Un élargissement progressif à d’autres populations que les dirigeants mandataires sociaux (cadres dirigeants, managers, autres collaborateurs), par exemple via les accords d’intéressement .

  • Un glissement des indicateurs externes à l’entreprise (par exemple en lien avec des notations ESG) vers des indicateurs de performance sur lesquels les dirigeants et collaborateurs ont davantage de marge de manœuvre.

  • Une nette prépondérance de critères relatifs aux émissions de CO2 et aux questions de diversité et inclusion (équité femmes/hommes). Mais aussi l’ouverture à une plus grande variété d’indicateurs.

  • Un accroissement de la pertinence et de la fiabilité des critères sur lesquels sont basées les rémunérations variables grâce à des indicateurs de plus en plus précis. 

Pour les sociétés du CAC 40, une quote-part croissante de 10 % à 30 % en moyenne (et pouvant atteindre 50 %) des critères RSE dans la rémunération variable des dirigeants mandataires sociaux, en lien avec une communication plus précise sur le sujet.

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sociétés du CAC 40 (88 %) intègrent des critères RSE à la rémunération des dirigeants (contre 4 sociétés en 2017)

“La généralisation de la prise en compte des critères RSE dans la rémunération de long terme des dirigeants s’inscrit dans un horizon temporel plus en adéquation avec les impacts de l’entreprise.”

Que disent ces évolutions de la prise en compte de la RSE dans la stratégie globale des entreprises ?

La part des critères RSE dans la rémunération variable des dirigeants est un indicateur avancé en matière d’intégration de la RSE dans la stratégie des groupes. Les évolutions que nous observons permettent de mieux faire le lien entre impact RSE et performance globale de l’entreprise. Elles démontrent un gain de maturité quant aux enjeux de développement durable. 

En particulier, la généralisation de la prise en compte des critères RSE dans la rémunération de long terme des dirigeants s’inscrit dans un horizon temporel plus en adéquation avec les impacts de l’entreprise. L’alignement croissant que nous voyons entre RSE et stratégie globale va de concert avec plus de transparence, volontaire ou motivée par les évolutions réglementaires. 

Nous constatons une tendance de fond : les entreprises accélèrent la transformation de leur modèle d’affaires et démontrent une conscience accrue des enjeux de durabilité. Intégrant au fur et à mesure des enjeux sociaux puis environnementaux, elles s’attachent à inclure dans leur gouvernance un nombre croissant de sujets liés à leur responsabilité sociétale. 

Lire aussi : Transformer le modèle managérial n’est plus optionnel

“La part des critères RSE dans la rémunération variable des dirigeants est un indicateur avancé en matière d’intégration de la RSE dans la stratégie des groupes.”

Comment les entreprises communiquent-elles sur les indicateurs RSE intégrés à la rémunération de leurs dirigeants mandataires sociaux ?

Cette communication est volontaire, mais hétérogène. Les sociétés du CAC 40 publient davantage d’informations que les plus petites entreprises sur l‘intégration de critères RSE au sein des rémunérations de leurs dirigeants mandataires sociaux et sur leurs motivations. 

Concernant les autres populations (cadres dirigeants, managers, collaborateurs), les informations sur l’intégration des critères RSE restent imprécises, en partie car ces pratiques sont plus récentes. Cela pourrait changer, notamment sous l’impulsion :

  • du Code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées publié en 2023 par l’Afep et le Medef. Cette version modifiée vise à placer la stratégie RSE, particulièrement en matière climatique, au cœur des missions du conseil. Voir ci-dessous l’extrait portant sur la rémunération des dirigeants.

  • de la directive européenne sur le reporting de durabilité (CSRD), qui va homogénéiser la transparence et la publication de ces informations de la part d’un nombre croissant d’entreprises.

 

Extrait du Code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées (Afep-Medef, 2023)

“La rémunération de ces dirigeants doit être compétitive, adaptée à la stratégie et au contexte de l’entreprise et doit avoir notamment pour objectif de promouvoir la performance et la compétitivité de celle-ci sur le moyen et long terme, en intégrant plusieurs critères liés à la responsabilité sociale et environnementale, dont au moins un critère en lien avec les objectifs climatiques de l’entreprise. Ces critères, définis de manière précise, doivent refléter les enjeux sociaux et environnementaux les plus importants pour l’entreprise. Les critères quantifiables doivent être privilégiés.”

 

L’étude distingue les pratiques dans les sociétés cotées, dans le capital-investissement et dans les PME. Quelles sont les tendances parmi ces dernières ?

La prise en compte de la RSE dans les rémunérations des dirigeants de PME est essentielle car ces dernières représentent 159 000 entreprises et comptent un effectif cumulé de 4 millions d’équivalents temps plein (ETP). C’est autant que les 300 grands groupes français et un peu plus que les 6 600 ETI, qui emploient 3;5 millions de personnes en ETP. Les PME ont donc un rôle de premier plan à jouer en matière de bien-être au travail, de lutte contre les discriminations et de promotion de l’équité femmes-hommes. 

Si l’on regarde les questions environnementales, les PME comptent pour environ 15% de l’empreinte carbone française. Leur contribution est donc cruciale pour décarboner les chaînes de valeur. Elles y sont incitées :

  • Par leurs clients. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) des PME se retrouvent en partie dans le scope 3 (émissions indirectes autres que celles liées à l’énergie) des grands groupes, qui cherchent à les réduire. 

  • Par la réglementation. L’intégration de facteurs sociaux et environnementaux dans les modèles d’affaires des PME est un impératif compétitif. Avec la CSRD, l’Union européenne incite davantage d’entreprises à prendre en compte les enjeux sociaux et environnementaux dans leurs chaînes d’approvisionnement. Les PME qui ne répondent pas à certains critères pourraient perdre de nombreuses opportunités commerciales.

Malgré cela, l’intégration de critères RSE dans les rémunérations est une pratique encore timide dans les sociétés non cotées. Cela ne veut pas dire que les PME ne tiennent pas compte de la RSE (bien au contraire), mais plutôt qu’elles sont encore peu nombreuses à avoir formalisé cette démarche au niveau des rémunérations.

 

Entreprises partageant leurs bonnes pratiques dans l’étude “Critères RSE et rémunération” de l’Orse, PwC France et Maghreb et le Pacte mondial Réseau France

Axa - Groupe Accor - BNP Paribas - Carrefour - La Banque Postale - FDJ - L’Oréal - Malakoff Humanis - Michelin - Schneider Electric - Société Générale - Thales - Veolia - Worldline

 

Merci à Axelle Favre, Senior Manager, et à Orianne Lettermann, Manager, PwC France et Maghreb, pour leur contribution à cette étude.

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