Faire des obligations vertes un outil de financement digne de confiance

obligations vertes
  • Publication
  • 16 févr. 2024

Comment éviter que green bonds ne rime avec green washing ? En apportant l’assurance que les marchés attendent.

 

Le marché des obligations vertes (green bonds) a connu une forte croissance depuis les premières émissions par la Banque mondiale en 2008, sous l’effet notamment de traités internationaux tels que l'accord de Paris sur le climat. En 2020, elles ont franchi la barre des 1 000 milliards de dollars US d’émissions cumulées dans le monde, selon la Banque de France.

 

Ces dernières années, des obligations vertes ont pu être taxées d’écoblanchiment, jetant le soupçon sur l’ensemble du dispositif. Ce dernier est pourtant un levier important du financement de la transition sociale et écologique. 

 

Alors, comment s’assurer que les green bonds émis sont réellement verts ? En choisissant des projets verts bien sûr, mais aussi en faisant appel à un organisme tiers de confiance (OTC) pour apporter l’assurance que les financements ont bien servi aux investissements durables prévus, explique Olivier Muller, Associé Développement durable. Le cabinet a au cours des années passées été sollicité dans ce sens par plusieurs entreprises françaises émettrices d’obligations vertes et/ou sociales.

 

Qu'est-ce qu'une obligation verte ?

Une obligation verte est “un emprunt émis sur le marché par une entreprise ou une entité publique auprès d’investisseurs pour lui permettre de financer ses projets contribuant à la transition écologique, plus particulièrement les investissements en infrastructures” (Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires).

Précision importante, une obligation verte “se distingue d’une obligation classique par un reporting détaillé sur les investissements qu’elles financent et le caractère vert des projets financés”.

À ne pas confondre avec les sustainability-linked loans (SLL), prêts à taux bonifiés à destination des institutions bancaires. Conditionnés à l’atteinte de certains objectifs de développement durable, ces instruments financiers contribuent eux aussi au financement de la transition sociale et écologique.

 

Comment les émissions vertes permettent-elles de flécher les financements vers des investissements durables ?

Olivier Muller - Les obligations vertes, sociales et durables (green, social, and sustainability bonds, ou GSS) sont une alternative aux obligations traditionnelles. Elles offrent d'une part des performances financières similaires (un rendement prévisible sous la forme d'un coupon d'obligation), d’autre part un impact environnemental ou social positif. Pour rappel, le coupon est à l’obligation ce que le dividende est à l’action. Seule différence, le montant des dividendes est défini par des résultats financiers alors que la valeur du coupon dépend du taux d'intérêt fixe ou variable établi lors de l’émission de l’obligation. 

  • Côté investisseurs institutionnels, les GSS sont attractives car elles leur permettent d’augmenter sans risque leur exposition aux actifs verts et de diversifier leurs portefeuilles. 

  • Côté émetteurs (États ou entreprises), les GSS visent deux objectifs. Ils servent à emprunter de l'argent à moyen et long termes, si possible à des taux inférieurs à celui des prêts bancaires, tout en finançant leurs projets de transformation environnementale : énergies renouvelables, efficacité énergétique, gestion durable des déchets et de l’eau, exploitation durable des terres, transport propre et adaptation aux changements climatiques. Ils permettent également aux émetteurs d’élargir leur base d’investisseurs.

Ainsi, l’Agence France Trésor a en janvier 2024 lancé par syndication la quatrième obligation souveraine verte française pour 8 milliards d’euros. Ce montant, jusqu’à présent inégalé, porte l’encours des obligations assimilables du Trésor (OAT) vertes émises à 69,9 milliards d’euros.

8 Mds $

de nouvelles obligations vertes ont été placées en France en janvier 2024

Quel est le degré de normalisation des émissions d’obligations vertes ?

Olivier Muller - À l’échelle internationale, il n'existe pas de normes encadrant l’émission d'obligations vertes. Les bonnes pratiques qui ont le mérite d’exister (cf.encadré ci-dessous) sont assez peu contraignantes. Elles n’ont pas non plus valeur de standard permettant de qualifier la dimension environnementale des projets financés. 

Les émetteurs disposent donc d’une certaine latitude pour établir leurs méthodologies de reporting, qui de ce fait sont très disparates. Bien que ces méthodologies soient relues, commentées et acceptées par des agences de notation ESG en tant que second-party opinion. leur comparabilité reste faible. Cela peut nuire à la transparence du marché des obligations vertes. Le soupçon d’écoblanchiment (greenwashing) ne peut être totalement écarté.

 

Bonnes pratiques actuelles dans l’émission d'obligations vertes

Les obligations peuvent être reconnues comme vertes, sociales ou durables (c’est-à-dire à la fois vertes et sociales). Pour cela, elles doivent viser à financer des projets de l’émetteur répondant à des conditions et caractéristiques décrites dans les guides de l’International Capital Market Association (ICMA) : Green Bond Principles (GBP), Social Bond Principles (SBP), Sustainability Bond Guidelines (SBG). Les émetteurs se basent sur ces lignes directrices pour construire leur propre méthodologie, publiée lors de l'émission d’une obligation.

 

Les choses bougent en Europe. En octobre 2023, le Conseil européen a promulgué un règlement qui établit une norme pour les émetteurs d’obligations souhaitant utiliser l’appellation "obligation verte européenne" (EuGB) pour leurs obligations durables sur le plan environnemental. Alignée sur la taxonomie verte européenne, cette norme propose aux investisseurs des exigences uniformes à l'échelle mondiale. 

Cet effort de normalisation répond aux attentes de transparence de la part des investisseurs et sert les intérêts des émetteurs en renforçant la crédibilité des obligations vertes en réduisant le risque d’écoblanchiment. Première au monde à définir les obligations vertes, cette nouvelle norme engage les émetteurs conformes à adopter des plans de transition écologique.

La pérennité du marché des émissions vertes repose sur le niveau de confiance que ces instruments financiers continueront d'inspirer.

Comment les émetteurs d’obligations vertes peuvent-ils assurer que les financements ont bien servi aux investissements durables prévus ?

Olivier Muller - Dès lors qu’une obligation verte a pour raison d’être de financer des projets qui produisent des bénéfices environnementaux, une méthode crédible d'évaluation sur la durée est nécessaire. Les investisseurs veulent s'assurer qu’il n’y a pas eu de mauvaise utilisation des recettes, ce qui pourrait les détourner de ces instruments financiers et nuire à ce marché en plein essor tout en endommageant la réputation des émetteurs.

Les émetteurs font donc appel à des OTC (third-party opinion) pour certifier l’information ESG en mettant en place un suivi des recettes au niveau à la fois de l’émetteur et du ou des projets annoncés. Les investisseurs attendent en général de ces tiers indépendants une assurance modérée quant aux informations fournies par les émetteurs. Ce niveau d’assurance est notamment défini par la norme ISAE 3000 établie par l’International Accounting Standards Board (IASB).

Lire aussi : Rapports de durabilité : les contours de la mission du CAC se précisent

S’assurer que les projets en cours correspondent bien aux critères de durabilité promis et que tous les investissements sont réellement verts nécessite une expertise à la fois en audit financier et en développement durable.

Quel genre d’entreprise confie à PwC des missions d’assurance sur les obligations vertes ou socialement responsables ?

Olivier Muller - Nos clients viennent de tous secteurs : industrie, distribution, biens de consommation, immobilier, organismes publics, banques, sociétés d’assurance, etc. La certification du fléchage de l’argent des obligations vertes étant publique, nos missions auprès d’eux sont signalées sur la plupart des sites de nos clients. 

Par exemple, Danone mentionne notre intervention sur son obligation socialement responsable (social bond) et AXA publie nos conclusions sur son obligation verte. Dans les documents de reporting de son obligation verte, Icade indique que “le suivi de l’allocation des fonds et de la conformité aux critères d’éligibilité fait l’objet d’une vérification annuelle par un tiers indépendant, PricewaterhouseCoopers”. 

Dans cet exercice, la transparence est en effet essentielle pour l’émetteur comme pour ses investisseurs. En tant qu’OTC, PwC assure le suivi de l'allocation des fonds et de la conformité aux critères d'éligibilité, qui font l’objet d'une vérification annuelle. L’émetteur publie quant à lui un reporting annuel comprenant, dans le cas d’Icade, des indicateurs de résultats, des indicateurs d'impact et un guide méthodologique de calcul des émissions évitées.

Lire aussi : Osons les social bonds !, Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (Orse) et PwC France et Maghreb

Quels sont les retours d’expérience sur l’émission de d'obligations durables ?

Olivier Muller - Nous avons désormais assez de recul pour apprécier le succès des obligations vertes et leur rôle dans le financement de la transition écologique. Par exemple, Icade se félicite que sa première obligation verte, émise en 2017 à hauteur de 600 millions d'euros, ait été sursouscrite près de trois fois, contribuant ainsi à financer ou refinancer des actifs et des projets verts.

Pour la foncière promoteur, le bilan de cette première obligation verte est doublement positif. D’un point de vue environnemental tout d’abord. Grâce au financement de la construction ou de la rénovation de bâtiments tertiaires intégrant les enjeux du développement durable, des émissions de gaz à effet de serre (GES) ont été évitées. C’est un pas dans la bonne direction dans un secteur, l’immobilier, responsable en France du quart des émissions de GES. 

Les obligations vertes permettent également d'élargir la base d'investisseurs potentiels et d’attirer de nouveaux créanciers, tels que les acteurs français et internationaux de l’investissement socialement responsable (ISR).

Lire aussi : Comment développer un label ISR : l’approche novatrice de l’immobilier

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Olivier Muller

Olivier Muller

Associé Développement durable, PwC France et Maghreb

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