Risque de transition climatique d’un portefeuille d'actifs financiers

Quantification par le modèle de calcul PwC

Dans un contexte de réchauffement climatique, les portefeuilles d’actifs des acteurs financiers sont exposés à trois types de risques extra-financiers : le risque physique (résultant par exemple des catastrophes naturelles), le risque de responsabilité (comme d'éventuelles poursuites en justice) et le risque de transition. Ce dernier recouvre les impacts financiers découlant de la mise en place d’un modèle économique bas-carbone sur les acteurs économiques.

L’évolution réglementaire en Europe impose aux acteurs financiers d’intégrer ces trois types d'impacts dans leurs dispositifs de pilotage des risques financiers. Cependant, passer de la théorie à la pratique représente un immense défi méthodologique. 

En 2022, PwC s’est penché sur la mesure du risque de transition climatique. Selon Rami Feghali, associé Risques et réglementations, Services financiers, PwC France et Maghreb, la question centrale pour un acteur financier est d’évaluer les coûts de la transition climatique afin de déterminer s’il a ou non les moyens humains et financiers de les absorber et de s’y préparer. 

Dans cette interview, Rami Feghali présente un modèle innovant de quantification des risques de transition climatique développé par PwC France et Maghreb pour aider les institutions financières (fonds d’investissement, banques, sociétés d’assurance et de gestion d'actifs - asset management) à répondre à cette question. Il partage également les enseignements à retenir pour piloter au mieux les risques de transition climatique pesant sur les portefeuilles d’actifs.

Où en sont les acteurs financiers face aux exigences réglementaires européennes ?

Depuis plusieurs années, des accords et textes réglementaires (Accords de Paris, Sustainable Finance Disclosure Regulation ou SFDR, Corporate sustainability reporting directive ou CSRD, Pacte vert pour l’Europe…) visent à réorienter les flux financiers vers des activités durables, notamment via une transparence accrue attendue des acteurs économiques.

Les sociétés de services financiers sont concernées à double titre : en tant qu'entreprises, et en tant que détentrices de portefeuilles d’actifs. L'Autorité bancaire européenne (ABE) et la Banque centrale européenne (BCE) ont publié à leur attention des lignes directrices relatives à l'évaluation des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). 

Par exemple, dans le cas des banques, seul un quart des établissements ont à ce jour mis en place des méthodes forward looking de quantification des risques climatiques. La date butoir, décembre 2024, n’est pourtant plus très éloignée pour se mettre en conformité avec le guide de la BCE relatif aux risques liés au climat et à l'environnement.

Concrètement, les institutions financières vont devoir développer des approches méthodologiques pour :

  • évaluer la matérialité des impacts ESG de leurs portefeuilles financiers ;

  • reporter sur leurs impacts, risques et opportunités ESG, notamment dans le cadre de la CSRD ;

  • et prouver par des indicateurs chiffrés le respect de leurs trajectoires d'alignement avec les cibles qu’elles auront préalablement définies.

Comment le modèle de calcul de PwC peut-il aider les acteurs financiers à quantifier les risques de transition climatique pesant sur leurs portefeuilles ?

Un haut niveau d'incertitude caractérise le risque de transition climatique, du fait notamment de données complexes et parfois indisponibles au niveau de granularité voulu. Notre modèle de calcul s’appuie donc sur des scénarios et l’estimation de certaines données (par exemple, des proxys sectoriels), notamment dans ses dimensions prospectives.

Les enjeux de transition étant spécifiques à chaque secteur, il est indispensable d’intégrer les variables sectorielles dans le calcul des impacts directs et indirects des risques financiers de transition. Notre modèle différencie donc les analyses par secteur d’activité et accorde une grande importance aux chaînes de transmission. Les méthodologies sont par ailleurs harmonisées sur l’ensemble des portefeuilles d’activité pour proposer une mesure relative du risque de transition.

Enfin, la transparence étant un fondement de la confiance, nous explicitons les principales limitations méthodologiques et opérationnelles de nos travaux, en mettant en lumière les défis majeurs de l’intégration du risque de transition dans les dispositifs de gestion des risques des institutions financières.

Quels sont les avantages du modèle de calcul du risque de transition climatique développé par PwC ?

Le préalable est d’accepter une incertitude intrinsèque, de réfléchir aux axes de risques principaux et d'obtenir les meilleures informations possibles pour commencer à piloter le risque. Dans cette logique, l'approche de PwC est de produire les meilleures hypothèses à date pour évaluer le coût d’une transition et le confronter à la capacité financière de l’entreprise (bilan, résultats) à l’absorber.

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Cette méthode fournit des résultats certes imprécis, mais qui donnent un premier ordre de grandeur pour les éléments les plus marquants. La mise en regard des coûts de transition et de la capacité financière à les absorber apporte aux acteurs financiers un nouvel éclairage de leurs portefeuilles et de mieux comprendre leur degré d’exposition. En y ajoutant une dimension sectorielles des risques, il devient possible d’identifier des concentrations de risques spécifiques et ainsi d’élaborer des stratégies de rééquilibrage du portefeuille.

Le modèle développé par PwC a aussi pour vertu un effet d’apprentissage en cascade. Après une première mise en œuvre, un acteur financier peut raffiner le modèle en demandant aux sociétés de son portefeuille des données complémentaires, parfois difficiles à obtenir mais nécessaires pour mesurer avec précision les coûts de transition.

Que nous enseigne la première mise en œuvre du modèle de calcul du risque de transition de PwC ?

Le modèle développé par PwC est un prototype qui se base sur un grand nombre d’estimations. Sa mise en œuvre dans une banque a cependant démontré qu’il permet à la fois d’améliorer la qualité de l’analyse du portefeuille en l’enrichissant de nouvelles données et de nourrir les échanges sur les sujets ESG.

Cette première mise en œuvre nous a également appris qu’il faut résister à la tentation de construire un modèle très compliqué, ou de prendre en compte de multiples éléments qui peuvent obscurcir la nature du risque. Il faut éviter d’ajouter de l'incertitude à l'incertitude et de perdre de vue l'objectif final. La question centrale à laquelle un acteur financier cherche à répondre avec ce modèle est : a-t-on les moyens humains et financiers de la transition ?

Enfin, notre méthode est aussi un support à une démarche plus prospective. Tout en participant à la mise en conformité pour répondre aux exigences réglementaires sur le monitoring des risques, elle s'intègre à une planification de moyen et long terme. Elle est par exemple utile pour établir un plan de transition avec une gouvernance appropriée ou pour orienter les investissements vers les technologies capables d’atteindre l'objectif de décarbonation fixé par les pouvoirs publics. Ces projets seront d’autant moins risqués qu’ils tiendront compte des risques de transition. 

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Quels sont les facteurs de succès pour quantifier les risques de transition ?

  • Intégrer les spécificités sectorielles à l'analyse des risques liés à la transition climatique, car ces derniers sont fortement corrélés à l'activité d’une entreprise ;

  • Identifier les principaux facteurs de risque de transition et collecter les données correspondantes ;

  • Prendre en compte les caractéristiques du portefeuille (par exemple, le type d’amortissement, la maturité du prêt…) dans la mesure du risque de transition ;

  • Avoir une approche de quantification du risque de transition cohérente et intégrée avec les autres initiatives liées à ce sujet au sein de l’institution financière (définition de la trajectoire, processus d’octroi, stress tests, collecte des données, reporting, etc.) ;

  • Comparer la valeur tutélaire du carbone (utilisée dans notre analyse) au coût implicite du carbone (calculé à partir de l'estimation des coûts d'investissement réels). Ce dernier peut en effet apparaître significativement supérieur à la valeur tutélaire du carbone dans les secteurs fortement émetteurs de GES ;

  • Prendre en compte les capacités financières et humaines des entreprises à mettre en place pour la transition.

Pour en savoir plus : Risques financiers et transition climatique, un défi réglementaire et méthodologique

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Rami Feghali

Rami Feghali

Associé Risques et réglementations FS, PwC France et Maghreb