Maillon essentiel de la stratégie de leur organisation en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), les directions financières assument pleinement un rôle qui ne cesse de s’étendre. Elles sont désormais attendues sur des questions de financement de la transition, de pilotage de la performance globale, de reporting de durabilité, de communication extra-financière… et doivent s’y préparer dès maintenant.
Répondre à ces attentes nécessite de nouvelles compétences - un point d’attention que souligne l’étude Priorités 2023 des directions financières - Garder le cap face à l’incertitude publiée par l’Association nationale des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG) et PwC France et Maghreb. Des solutions existent pour attirer et développer ces compétences au sein des directions financières.
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Les enjeux RSE sont désormais pleinement au cœur de l’agenda des DAF. “Les directions financières devront garder le cap en intégrant l’ensemble des dimensions RSE, car c’est un sujet qui devient essentiel pour toutes les entreprises”, rappelle Laurent Morel, associé Consulting Finance, PwC France et Maghreb.
Les DAF tendent à intégrer les dimensions RSE de manière concentrique, de la mise en œuvre de la taxonomie verte européenne de la CSRD au pilotage de la performance extra-financière. Parmi les sujets les plus pressants, le suivi de la stratégie de neutralité carbone de l’entreprise revêt une importance particulière du fait des enjeux financiers d’un bilan carbone (taxes, quotas…).
Toutes les composantes et tous les métiers de la direction financière devront donc développer les compétences data et RSE pour être en capacité de mesurer, piloter et communiquer sur la performance globale de l’entreprise.
« Les directions financières doivent relever toute une série de défis, de la capacité de collecte d’une donnée de qualité à la mise en place d’un processus robuste de reporting et de pilotage de cette donnée - y compris le processus de contrôle interne. Cela a des implications en termes de disponibilité des profils et compétences, mais aussi d’organisation. »
La direction financière reste garante auprès du régulateur de la validité des métriques RSE, beaucoup plus fines, détaillées et hétérogènes que celles qu’elle a l’habitude de manipuler. Pour mener à bien la transformation nécessaire, 63% des directions financières ont une idée claire de leurs besoins : les compétences data (46%), IT (28%) et RSE (26%) sont à développer en priorité.
“En réalité, les DAF semblent découragés : personne n'arrive à recruter actuellement. La priorité semble donc s'être déplacée du recrutement à la formation, perçue comme une solution possible au manque patenté de collaborateurs au sein des équipes”, estime Laurent Morel.
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Pour accompagner la montée en compétences de leurs salariés, les entreprises diversifient leur offre de formation avec des parcours combinant différents types d’apprentissage. Le modèle du 70/20/10, qui reste un principe clé dans le développement des collaborateurs, conjugue :
l’apprentissage informel (la pratique et l'expérience de terrain apportent 70% des connaissances et compétences nécessaires) ;
le social learning (20% viennent des interactions avec les collègues, managers, mentors) ;
et l’apprentissage formel (10% de formation continue dans une démarche proactive).
Les entreprises apprenantes différencient les parcours destinés aux jeunes diplômés et aux salariés expérimentés souhaitant acquérir de nouvelles compétences. Pour faciliter la prise de poste des premiers, l’onboarding se fait dans la durée, visant à la fois la diffusion de la culture d’entreprise et la montée en compétences sur les technical skills. Pour accompagner la transition professionnelle des seconds, des programmes de formation et de coaching, souvent développés en interne, favorisent la rétention et l’épanouissement des salariés. Dans les deux cas, l’expérience terrain reste déterminante. Les managers jouent un rôle prépondérant pour permettre à leurs équipes de grandir dans un écosystème inclusif et bienveillant.
Aussi indispensable qu’elle soit, la formation des équipes ne suffira cependant pas.
« De nouveaux profils sont nécessaires, différents mais complémentaires de celui du financier traditionnel. La guerre des talents fait rage parmi les entreprises pour recruter ces nouveaux profils. »
Pour attirer et retenir ces nouveaux profils, les grands groupes estiment qu’il faut travailler sur trois grands critères attendus par les talents : l’engagement et la rétention des collaborateurs, sous l’angle notamment de l'équilibre vie privée / vie professionnelle (27%), la culture d’entreprise (13%) et la politique RSE (7%).
L’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est essentiel pour contribuer à la rétention et à l’attractivité des talents.
La maturité des directions financières permet de mieux prendre en compte ces attentes, avec un management où les concepts de confiance, flexibilité, autonomie et responsabilisation s’ancrent dans la pratique.
La montée en compétences managériales sur les modes de travail hybrides constitue aussi un levier clé pour une efficacité accrue et le bien vivre et travailler ensemble, que ce soit en physique ou en virtuel.
Un autre levier, opérationnel, est la définition de règles du jeu transparentes et bienveillantes.
“Les attentes des candidats ont évolué ces dernières années. Je rencontre de plus en plus de jeunes candidats ayant le besoin de trouver un réel sens à leur métier ainsi qu’un bon équilibre entre leur vie personnelle et leur vie professionnelle”, témoigne l’un des DAF rencontrés dans le cadre de notre étude.
Répondre à la quête de sens des équipes financières passe aussi par la mise en lumière de leur contribution aux ambitions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) de l’entreprise.
En se muant (dans les faits sinon dans le titre) en Chief sustainable performance officers, les directrices et directeurs financiers donnent une vision grand angle de la performance, conjuguant ses dimensions financières et de durabilité.
Les directions financières disposent d’une carte maîtresse pour attirer et retenir les talents : la transformation du management de la performance en management de l’impact. Le pôle RSE de la direction financière peut ainsi aller jusqu’à challenger les autres directions sur l’impact des produits et services qu’ils développement. Ce regain de sens confère une tout autre couleur au rôle et au travail au quotidien des équipes de la fonction finance.
Pour réussir cette transition, il faudra expliciter l’évolution de la culture de la direction financière vers une culture full RSE. Les (nouveaux) comportements correspondants s’incarnent à tous les niveaux. La responsabilité de l’entreprise doit se diffuser dans la prise de conscience individuelle des salariés, bien souvent soutenue par des programmes d’acculturation RSE menés en interne.
Le corollaire du rôle étendu de la direction financière est la nécessité d’approfondir son expertise (scope 1, scope 2, scope 3) pour mieux mesurer et piloter l’impact carbone immédiat ainsi que l’impact final de l’activité de l’entreprise.
Cette montée en compétences doit se construire et s’intégrer dans les perspectives professionnelles de chacun au sein de la direction financière, voire au-delà.
L’une des actions les plus efficaces pour répondre à la quête de sens des collaborateurs est d’intégrer l’impact des activités de l’entreprise dans la réflexion sur les objectifs personnels.
“Il nous faut repenser la façon de travailler dans les directions financières : les sujets de l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, de la culture d'entreprise, du télétravail et de la RSE sont devenus des critères discriminants aujourd'hui”, conclut Emmanuel Millard, Président de la DFCG.
Retrouvez l’intégralité de l’étude Priorités 2023 des directions financières - Garder le cap face à l’incertitude publiée par l’Association nationale des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG) et PwC France et Maghreb.
Merci à Edwin Bilicz, manager, PwC France et Maghreb, pour sa contribution à cet article.