Pourquoi la France doit miser sur ses ETI championnes

Rarement sous le feu des projecteurs, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) ont pourtant un rôle central à jouer pour que la France retrouve son rang de grande nation industrielle. Dans une récente note, Cinq ans pour faire progresser la France des ETI, l’Institut Montaigne identifie les enjeux essentiels pour leur développement.

Taille intermédiaire, mais poids lourd de l'économie française

Les ETI sont fortement ancrées dans les territoires, où elles contribuent à la cohésion sociale, au dynamisme de l’emploi et à la création de richesse. Ces entreprises de 250 à 5 000 salariés génèrent près de 1 000 milliards d’euros de chiffre d'affaires, notamment dans le secteur de l’industrie, qui représente une ETI sur trois. Elles jouent de ce fait un rôle majeur dans l'attractivité, la réindustrialisation et la souveraineté économique de notre pays.

Comment redonner toute leur place aux ETI françaises ?

Malgré le poids considérable qu’elles représentent dans l’économie française, les ETI sont soumises à des contraintes fiscales, administratives et réglementaires qui peuvent bloquer leur développement. La fiscalité de production, en particulier, ralentit les investissements des entreprises industrielles et freine leur indispensable transformation écologique et numérique.

Lire aussi : Transition ESG des PME et des ETI Comment faire face au mur réglementaire ?

La note de l’Institut Montaigne, dont Olivier Lluansi, associé Strategy&, PwC France et Maghreb, était le rapporteur général, réfléchit aux manières de libérer tout le potentiel des ETI. Elle propose un tour d’horizon des mesures permettant de dynamiser leur rôle dans les politiques de réindustrialisation et de compétitivité économique du pays.

Reconstituer le socle de compétitivité

Les impôts de production bruts représentent 5 % du PIB en France, contre 2,4 % en moyenne pour l’Union européenne à 28 et 0,8 % en Allemagne (données 2019). Le premier enjeu est d'alléger la pression fiscale et sociale qui pénalise la production.

Alors qu’une ETI sur deux changera de main dans les dix prochaines années du fait de la pyramide des âges des dirigeants, il est tout aussi déterminant de faire évoluer le cadre de transmission des entreprises. Aujourd'hui coûteux et complexe, ce cadre conditionne à la fois la pérennité de l’outil productif français et la détention française d’actifs industriels.

Alléger les procédures administratives

Les coûts liés aux réglementations et démarches administratives pour les entreprises représentaient 3 à 4 % du PIB en 2021. Pour contribuer à la vitalité de l’économie au lieu d’y contrevenir, les relations à l’administration doivent se simplifier et celle-ci endosser un rôle d’accompagnateur de l’activité économique.

Re-territorialiser et redéployer l’activité économique

Les ETI sont implantées sur plus de 50 000 sites en France. L’attractivité des territoires pour les talents dépend également de questions d’organisation territoriale, de couverture des services publics essentiels (offre éducative, sanitaire et culturelle) et de mobilité. 

Dans un pays où à peine 0,4 % des effectifs du supérieur sont implantés hors des villes, les liens entre entreprises et enseignement supérieur restent ténus. Les renforcer permettrait d'améliorer l’adéquation entre compétences et besoins des employeurs.

Pour les entreprises, l’aménagement foncier est un critère essentiel des choix d’implantation de nouvelles activités, qu'elles soient de services ou industrielles. Améliorer ce facteur exige cohérence et stabilité des cadres juridiques.

Par ailleurs, re-territorialiser l’activité économique et redéployer les compétences nécessitent de renforcer les écosystèmes locaux en associant État, collectivités territoriales et entreprises. Des initiatives comme les clubs ETI déployés à l’échelle régionale par le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI) introduisent cette logique de co-construction.

Le renouveau des logiques sectorielles de filières, traditionnellement construites autour des grands groupes français pour intégrer pleinement les PME et ETI, constitue une autre opportunité de coopération horizontale et locale.

Aider les ETI à conduire leur transformation écologique, numérique et sociétale

  • Ecologie - Poursuivre de front des objectifs de relocalisation industrielle et de réduction du risque climatique passe par l’accès à une énergie décarbonée. Cette transition écologique nécessite d’inclure dans les politiques publiques le concept d’efficacité environnementale, qui fait appel à l’investissement, à la recherche et à l’innovation. Le mix énergétique français, le plus décarboné au monde, est déjà un atout au niveau européen.

  • Numérique - La transformation digitale est une indéniable opportunité pour la compétitivité du site France : par exemple, l’hybridation produits/services protège les solutions françaises des importations à bas-coût. Mais elle comporte aussi un risque. Cela implique de développer un cadre public apte à contrer les menaces qu’elle engendre, de la cybercriminalité à l’hyper-concentration des acteurs.

  • Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) - Il revient à la puissance publique de ne pas exposer les ETI à un choc de complexité en multipliant les contraintes déclaratives. L’engagement sociétal des ETI, déjà tangible, peut être encouragé de façon simple, souple et lisible via le partage de la valeur et l’association des salariés à la performance des entreprises.

Placer les ETI au cœur de la stratégie d’indépendance industrielle européenne

Enfin, en tant qu’actifs stratégiques, les ETI françaises contribuent à renforcer la souveraineté de notre pays. Afin de les rendre éligibles à un rôle de champions industriels européens, il est nécessaire de revoir en profondeur les règles de la concurrence, les aides d’État et l’allocation des Fonds européens. 

Les propositions publiées par l’Institut Montaigne, le METI et PwC sont destinées à redonner aux ETI une place dans le débat plus conforme au rôle qu’elles jouent déjà dans le dynamisme français. Alléger les contraintes fiscales, administratives et réglementaires les aidera à conduire leur nécessaire transformation digitale et environnementale, voire pour certaines à rejoindre le vivier des futurs champions technologiques français.

L’économie française a ses faiblesses, mais aussi ses forces, et les ETI en font partie.

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Olivier Lluansi

Olivier Lluansi

Associé, Strategy& France

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