Interview des auteurs du livre “Il n’y a pas d’entreprise qui gagne dans un monde qui perd”

La raison d’être au cœur de la stratégie, clé de l’entreprise full RSE

reunion équipe
  • Janvier 22, 2024

Face à la concomitance et à l’intensification des crises, notamment environnementales, la plupart des entreprises ont pris conscience de la nécessité de se transformer. Les conditions à réunir pour se réinventer et relever les défis du développement durable ne seront ni simples, ni négociables. Autour d'éléments fédérateurs comme la raison d’être, toutes les intelligences, compétences et sensibilités devront être mobilisées, au sein de chaque organisation mais aussi à l’échelle des écosystèmes.


En quittant la sphère du discours pour entrer de plain-pied dans la stratégie, la question du développement durable suscite des transformations que le dirigeant doit désormais piloter. Dans “Il n’y a pas d’entreprise qui gagne dans un monde qui perd”, Émilie Bobin, Sylvain Lambert et Frédéric Petitbon, associés PwC France et Maghreb, partagent leurs convictions sur les bouleversements à venir, qui sont autant des impératifs catégoriques que d’extraordinaires leviers pour transformer les organisations. 

Ce livre-manifeste se double d’une boîte à outil puisque les auteurs puisent dans leur expérience pour partager six clés permettant d’accélérer la construction de cette entreprise du futur en adéquation avec les limites planétaires, les attentes de la société, l’évolution des réglementations et les demandes des investisseurs. L’enjeu : faire de la RSE un levier de transformation, de performance et de pérennité pour l’entreprise.
 

La raison d’être est-elle la pierre angulaire de la transformation durable de l’entreprise ?

Sylvain Lambert - Prise avec sérieux et engagement, la définition d’une raison d’être est une excellente solution pour fixer le cap et l’ambition de la transformation. À un moment où prévoir l’avenir est compliqué, où le pilotage par objectifs quinquennaux est régulièrement mis à mal par différentes crises, le pilotage par le sens (les finalités de l’entreprise) prend toute son importance.

Le dirigeant devra aussi veiller à l’engagement de ses équipes. Pour cela, il peut s’appuyer sur la raison d’être et associer les collaborateurs à la construction de la feuille de route de la transformation RSE. Allouer des moyens pour qu’ils trouvent eux-mêmes leur place demain, à leur poste ou dans de nouveaux rôles et responsabilités, facilitera le processus

Faut-il transformer l’entreprise de manière incrémentale ou en rupture radicale ?

Émilie Bobin - Cela dépend du point de départ, de la proximité des activités de l’entreprise avec les enjeux du développement durable, de son aptitude à pivoter, des finalités que les dirigeants réussissent à incarner… À chacun d’évaluer la vitesse d’impact et la hauteur du mur à franchir selon son secteur d’activité et son modèle économique. 

La transformation durable de l’entreprise est un voyage d’exploration. Le dirigeant devra prendre des décisions dans un fort contexte d’incertitude (quels écueils éviter, quels paris prendre) mais aussi assumer un mode d’apprentissage rapide (test and learn) permettant de changer d’option. N’est-ce pas aussi une occasion de refonder la gouvernance et la conduite des transformations ?

“À chacun d’évaluer la vitesse d’impact et la hauteur du mur à franchir selon son secteur d’activité et son modèle économique.”

Comment ancrer durablement l’esprit full RSE dans toute l’entreprise ?

Frédéric Petitbon - L’appropriation de la RSE par chaque métier ou fonction est l’un des défis les plus difficiles à relever. Le dirigeant et la cordée managériale y jouent un rôle central.

  • Le discours de rupture du dirigeant sera d’autant mieux compris, adopté et décliné qu’il s'inscrit dans un terreau travaillé. Il lui faudra donner une vision globale et large des enjeux, expliquer les conséquences positives et négatives pour l’entreprise, descendre à l’échelle de chaque service, chaque entité, voire chaque collaborateur. Ce travail doit se maintenir dans la durée pour que l’ensemble du corps social de l’entreprise soit mobilisé. 

  • Le portage par la ligne managériale permettra ensuite de mettre la RSE en actes. Transformer les fonctions de l’intérieur et tous les réflexes promus de longue date rend nécessaire une transformation managériale en profondeur pour passer du management de la RSE au management par la RSE. 

  • L’unité de base à privilégier est le collectif de travail (équipe, projet) dans lequel s’inscrit l’action de chacun avec des règles du jeu et objectifs partagés. La mise en œuvre de la transformation dépend de la construction à hauteur de femmes et d'hommes d'une vision durable et partagée, dans une démarche participative impliquant les collaborateurs dans toute leur diversité. C’est ainsi que chacun pourra réinventer ses pratiques à la lumière des objectifs de développement durable (ODD).

  • L’idée même de développement durable implique de réussir à atteindre un objectif (par exemple économique) sans en dégrader un autre (par exemple environnemental). Il ne faut donc pas tarder à introduire un management par objectifs durables, en engageant le dialogue et en acceptant le débat sur le choix des nouveaux critères à retenir, la manière de les mesurer et leur pondération au sein de l’évaluation du collaborateur.

Lire aussi : Intégrer ses enjeux ESG à sa stratégie globale : l’exemple de Mobilize Financial Services (Renault Group)

Quelle place le collectif occupe-t-il dans la définition des règles du jeu du monde de demain ?

Sylvain Lambert - Une entreprise, si grande fût-elle, peut-elle seule réussir à relever les défis complexes et systémiques auxquels le monde fait face ? L’action collective est nécessaire pour construire de nouvelles règles du jeu et entraîner l’ensemble d’un secteur vers de nouvelles pratiques et éviter les distorsions de concurrence. Peu importe la forme : associations intra ou intersectorielles, consortiums d’innovation durable, partenariats circulaires… L’objectif est de créer un effet boule de neige sur son marché en faisant basculer des standards de production ou de consommation, ou en contribuant à la création de nouvelles filières.

Avec des méthodes d’innovation ouverte (open innovation), les entreprises doivent avancer en meute et embarquer leur écosystème de parties prenantes : fournisseurs, clients, pairs, investisseurs, pouvoirs publics, territoires… Les ralliements de dernière minute ne seront pas interprétés à l’avantage de l’entreprise. Mieux vaut donc garder l’initiative et commencer ou continuer à parler avec tout le monde, y compris les ONG, les associations militantes et les activistes.

Frédéric Petitbon - Ces derniers incluent désormais des collaborateurs de l’entreprise. Instaurer des instances permanentes de dialogue et de médiation directs avec les salariés au sein de l’entreprise est un moyen à la fois de capter en avance de phase des tendances qui vont se développer et d’utiliser l’énergie des activistes comme levier de la transformation sociale et environnementale de l’entreprise.

Arbitrer entre des objectifs économiques, sociaux et environnementaux implique le passage d’un management vertical à un management plus participatif et délibératif. Il devient essentiel de solliciter des avis, d’offrir la possibilité de s’exprimer, de formuler des idées et de les confronter, d’organiser des espaces de discussion ou des communautés de pratiques, et de développer des capacités d’explicitation des arguments. Une nouvelle grammaire du “travailler ensemble” se met en place, et c’est toute la posture managériale qui évolue.

“Arbitrer entre des objectifs économiques, sociaux et environnementaux implique le passage d’un management vertical à un management plus participatif et délibératif.”

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Emilie Bobin

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Associée Développement durable, PwC France et Maghreb

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