Près de la moitié des consommateurs en France achètent des biens de seconde main, révèle la dernière enquête Global Consumer Insight Survey de PwC. L’attrait pour une consommation plus responsable se confirme, mais le prix reste un frein majeur pour une majorité de consommateurs français. Même si 30 % à 50 % d’entre eux sont désormais prêts à payer plus cher pour un bien durable ou local.
Hélène Rives, commente les résultats de l’enquête, à laquelle près de 500 consommateurs ont répondu en France.
Notre étude, réalisée fin 2021, montre la croissance d’une consommation plus responsable, qui s’incarne notamment par la demande de produits locaux et/ou qui limitent leur empreinte carbone. Selon la catégorie de produits, 30 % à 50 % des consommateurs français préfèrent les produits fabriqués ou cultivés en France. Derrière cette envie de produits plus locaux ou plus responsables, s’affirme une volonté de consommer différemment, même si c’est plus facile dans certaines catégories (alimentaire, habillement) que dans d’autres (électronique). Cette tendance de fond va, à notre sens, rester une aspiration, même si l’inflation désormais présente dans le contexte du conflit Ukrainien appuie sur l’enjeux prix pour les consommateurs.
Autre tendance forte, l’évolution des régimes alimentaires, qui se font moins carnés : la part des Français qui augmentent la part de végétaux dans leur alimentation est en hausse de +4 points et de plus en plus de consommateurs se tournent vers des aliments à base de plantes (41 %).
91 % des Français perçoivent l'importance de consommer des produits respectueux de l'environnement
Le premier frein à une consommation plus responsable est le prix. Jusqu'à 50% des consommateurs sont disposés à payer plus cher pour des catégories de produits qui touchent de près à l’intégrité physique : alimentaire, santé et beauté. Mais même dans ces segments le prix reste un critère. Par exemple, les distributeurs constatent que le lait bio risque plus de rester sur l’étagère que le lait non bio.
Le mouvement en faveur d’un approvisionnement plus local, qui s’est fortement déployé avec la pandémie, montre des signes d’essoufflement car l’offre n’a pas entièrement répondu aux attentes : les consommateurs recherchent plus de variété. Près du tiers (30%) se déclarent prêts à acheter plus local si on leur offre plus de choix. Même si l’intention persiste, l’étroitesse des gammes de produits est un frein.
Pour les produits ménagers, d’hygiène et alimentaires, la vente en vrac sera peut-être la prochaine frontière. Cela nécessite cependant une adaptation très forte des habitudes des consommateurs, qui doivent par exemple penser à apporter des contenants.
Par ailleurs, des contraintes sanitaires et réglementaires existent avec ce mode de distribution, qui implique aussi qu’industriels et distributeurs adaptent leurs choix logistiques. Cela peut s’avérer coûteux. Une enseigne de la grande distribution a ainsi totalement revu son assortiment de tomates et réduit le nombre de modèles d’emballages (500 références initialement). Elle a également revu ses achats pour absorber les surcoûts du passage du plastique au carton, qui est plus cher, plus lourd et plus compliqué à transporter.
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La plus forte progression de notre enquête est la proportion de Français qui ont acheté des produits de seconde main : +12 points par rapport à 2020. Précisons que cette enquête ne porte pas sur les achats de voitures, où l’occasion est déjà pratique courante. Les sites de revente de consommateur à consommateur (C2C) sont largement utilisés, et cela touche désormais même le fast fashion.
Cette envolée impose aux marques de faire un choix stratégique. Si elles proposent leur propre offre de seconde main, elles risquent de cannibaliser leurs ventes de produits neufs. Si elles ne le font pas, les ventes auront lieu ailleurs. Puisqu’une partie du marché se déplace vers l’occasion, autant de pas perdre ces parts de marché. Les options sont nombreuses, de l’ouverture d’un corner dédié en magasin, au lancement d’une plateforme de seconde main.
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Répondre aux attentes de produits locaux et/ou responsables des consommateurs implique d’abord de repenser son offre et ses processus. Ce tournant dans la consommation est une occasion de rationaliser les gammes de produits, de porter attention au category management, de revoir sa stratégie d’approvisionnement… Quel que soit le secteur, c’est toute la chaîne de valeur qui devient responsable : de la ferme à la fourchette, du champ de coton au cintre en rayon.
Certains industriels poussent la rationalisation de leur offre jusqu’à la réduction de leurs gammes de produits afin de concentrer leurs efforts sur les produits clés, voire se séparent de certaines marques. Clairement, less is more.
La traçabilité (54%) et l’emballage (52%) sont des éléments très importants de la consommation responsable aujourd’hui : +3 points par rapport à l’étude précédente. Une meilleure traçabilité est désormais permise par la technologie (code barre, appli, blockchain…). En France, le sans plastique est poussé par l’agenda législatif avec la loi AGEC, qui exprime une ambition très volontariste pour sortir du plastique. Les consommateurs y sont attentifs.
Même si l’attente des consommateurs pour une offre plus responsable est avérée, les marques devront faire preuve de pédagogie. Elles doivent par exemple expliquer pourquoi elles ne font plus de promotions. Un acteur comme C’est qui le patron ?! doit une partie de son succès à sa transparence sur les prix, expliquant le prix de vente en détaillant sa structure de coûts.
Les entreprises doivent aussi veiller à la cohérence de leurs messages. Difficile de promouvoir une offre durable un jour et de participer au Black Friday le lendemain ou d’avoir des pratiques de distribution comme le quick commerce.
Enfin, rendre son offre responsable va impacter les volumes. L’enjeu est donc bien de maîtriser les marges en pilotant les poches de rentabilité. Une communication cohérente et un travail de pédagogie avec les consommateurs y contribueront.