Vers moins de plastique : un plan en quatre étapes

plan en quatre etapes
  • Publication
  • 21 mai 2024

Le plastique, c’est fantastique ? Pas si sûr. Si l'on considère les très nombreux usages (médical, hygiène…), la réponse peut être positive. Si l’on regarde l’impact global sur l'environnement, en revanche, c’est un non catégorique. En effet, le plastique pollue à chacune des étapes de son cycle de vie. Ce matériau peu cher et si pratique pose aussi des questions de santé publique. Par exemple, l’exposition au styrène monomère est nocive pour la santé humaine.

 

Que ce soit une démarche volontaire, en lien avec la raison d’être de l’entreprise, en réponse aux attentes des parties prenantes ou pour se mettre en conformité avec les réglementations actuelles et à venir, de plus en plus d’entreprises s’interrogent sur la manière de s’inscrire dans une trajectoire de réduction de leur empreinte plastique. Laurent Bécaud, Directeur, PwC France et Maghreb, met en lumière les quatre premières étapes à suivre.

La déplastification - ou même la réduction du recours au plastique - nous est souvent présentée comme un sujet simple alors qu’il est particulièrement complexe. En outre, contrairement aux émissions de GES, il n’existe pas encore de normes ni de méthode de calcul de l’empreinte plastique. Cependant, une prise de conscience est nécessaire. Nous ne pouvons attendre la promulgation de normes. Il faut commencer à agir dès à présent.

Émilie Bobin, Associée Développement durable, PwC France et Maghreb

En quoi les entreprises sont-elles concernées ?

De même que les pouvoirs publics et les consommateurs, les entreprises ont leur rôle à jouer. Elles sont de plus en plus nombreuses à entamer une réflexion, notamment sur l’emploi des emballages et des plastiques à usage unique. Dans une enquête de PwC en 2022 sur le Pacte vert pour l’Europe, les entreprises interrogées indiquaient parmi leurs priorités environnementales la réduction des déchets et de l’utilisation du plastique (59%), à égalité avec la réduction des émissions de carbone (59%). Ces préoccupations arrivaient juste derrière les enjeux énergétiques.

Cependant, réduire le recours au plastique a un coût, le prix du plastique vierge restant bas malgré ses fortes externalités négatives. Pour investir dans le déploiement de solutions alternatives, nombre d’entreprises attendent une réglementation claire qui s’applique à tous pour ne pas créer de désavantage concurrentiel. En France et en Europe, plusieurs sont déjà en place.


La prolifération des plastiques dans les océans entraîne 8 Mds $ par an​ de pertes économiques (source : Programme des Nations Unies pour l’environnement, PNUE)

Comment les entreprises peuvent-elles agir ? Une trajectoire de réduction du plastique commence par ces quatre étapes

À date, il n’existe ni méthode ni normes reconnues pour calculer l'empreinte plastique d’une entreprise, comme pour les émissions de GES. En outre, nous manquons encore de données, notamment sur l'impact des plastiques sur la santé et sur l'environnement à moyen et long termes. Pour autant, attendre de disposer de toutes les données serait irresponsable. En réponse aux entreprises de plus en plus nombreuses qui décident d’agir dès à présent, PwC propose une approche en quatre étapes pour s’engager dans une démarche de réduction de son empreinte plastique. Cette approche sera révisée au fur et à mesure de l'évolution des connaissances et de la maturation des méthodologies.

Plus les scientifiques nous fournissent des données sur l'impact des plastiques sur la santé, le climat et la biodiversité, plus le passage à l’action s’impose. S’engager dans une trajectoire de réduction des plastiques soulève cependant des questions complexes pour les entreprises. Notre méthodologie, encore imparfaite, permet de les aiguiller ​dans leurs choix ​de matériaux en fonction de l’impact sur la nature et sur la santé.

Olivier Muller, Associé Développement durable, PwC France et Maghreb

Cette démarche en quatre étapes permet aux entreprises d’avoir une vision globale de l’impact des plastiques utilisés dans leurs produits comme dans leurs processus, et ainsi d’identifier quels axes d’action prioriser.

Pourquoi commencer à réduire le recours au plastique ?

Un impératif pour le climat et la biodiversité

Le plastique est partout. On retrouve des micro et des nanoparticules dans l’eau de pluie, les organismes des oiseaux et des poissons, la terre, le sang… Cette omniprésence accroît son impact et complexifie les solutions pour y remédier.

Impliquant la combustion d'énergie fossile, la production de plastique et sa transformation contribuent au réchauffement climatique : 3,4% des émissions globales de gaz à effet de serre (GES) proviendraient du plastique. Sa fin de vie accroît la pollution et dégrade la biodiversité. Selon le WWF, les plastiques mettent en danger 344 espèces animales et leur ingestion cause la mort de 1,4 million d’oiseaux​ et 14 000 mammifères​ chaque année​.

En 2050

il y aura plus de plastique que de poissons dans les océans​ (source : Forum économique mondial & Fondation Ellen McArthur​)

En particulier, les microplastiques présents dans les océans peuvent nuire à leur capacité à absorber et à piéger le dioxyde de carbone.​ ​Même des microplastiques en suspension dans l'air dans des régions éloignées, comme en Arctique, contribuent à accélérer le réchauffement en absorbant la lumière et en réduisant le facteur de réflexion de la surface de la neige (effet Albedo).

Rien que pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, l’ONG Center for International Environment Law estime que la production mondiale de plastique devrait diminuer de 46% à 70% d’ici à 2050 par rapport à 2019. Or, ce n’est pas la trajectoire qui s’observe actuellement. En avril 2024, le laboratoire national américain Lawrence-Berkeley a calculé que les émissions mondiales liées à la production de plastique pourraient tripler pour représenter un cinquième du budget carbone restant de la Terre d'ici 2050. 

Malgré ces impacts, la production de plastique vierge va tout de même continuer et le recyclage, mis en avant par des acteurs du secteur, ne résoudra pas tout. Cela représente une solution transitoire en attendant des solutions alternatives plus pérennes. « L’économie circulaire est un mythe », explique Nathalie Gontard, Directrice de recherche à l’INRAE, experte des sciences trans-disciplinaires des emballages et polymères. « Je parlerais plutôt d’économie tire-bouchon : on ne ferme jamais la boucle, on la prolonge indéfiniment. »

Une question de santé publique 

Réduire l’utilisation du plastique est aussi une question de santé publique. Les effets du plastique sur la santé commencent seulement à être mieux connus. Certains additifs contenus dans les plastiques sont considérés comme des perturbateurs endocriniens ou comme des substances carcinogènes. Cela peut entraîner des perturbations de la fonction thyroïdienne, des effets sur la reproduction, l’obésité, le système immunitaire, l’augmentation du risque de cancer et des impacts sur le cerveau. Par exemple, les plastiques pénètrent dans le corps humain par exposition directe, ingestion ou inhalation. Les enfants avalent 10 fois plus de microplastiques que les adultes.​ 

La question sanitaire est particulièrement complexe du fait que des alternatives considérées comme moins polluantes ou moins émettrices de GES (bio plastiques, plastiques biodégradables) n’ont pas un moindre impact sur la santé. L'impact sur la santé humaine des plastiques recyclés est même plus important que celui des plastiques vierges. Il est important de noter que les plastiques recyclés peuvent accumuler des additifs au fil des cycles de recyclage, car les processus de recyclage mécanique ne les éliminent pas nécessairement. Cela peut conduire à une concentration plus élevée d’additifs dans les plastiques recyclés par rapport aux plastiques vierges. Une étude réalisée par l’Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) a examiné les risques sanitaires liés au recyclage des plastiques contenant des additifs dangereux. L’étude a notamment mis en lumière le cas du PVC recyclé contenant du DEHP, un phtalate utilisé comme plastifiant, qui est actuellement en voie d’être délaissé dans l’UE pour le PVC vierge.

L’impact du plastique sur la santé sera un énorme sujet demain. Les réglementations qui vont arriver ne permettront plus de le laisser de côté. Prime à ceux qui prennent les devants en s’engageant dès à présent dans une démarche de réduction du plastique.

Laurent Bécaud, Directeur, PwC France et Maghreb

S’il est désormais incontestable que l'utilisation de plastique doit être réduite, le chemin n’en sera pas aisé pour autant. Outre les enjeux financiers et de R&D soulevés, le plastique fait partie de notre quotidien depuis des décennies. Après la création en 1909 de la bakélite, première matière plastique à être produite industriellement, cette matière légère et résistante mais aussi isolante électrique et thermique se retrouve partout, des téléphones aux aspirateurs. Sa production explose pendant les 30 Glorieuses, multipliée par vingt entre 1950 et 1970. La bouteille d’eau en plastique, née d’une demande d’Air France à Vittel® en 1968, est désormais omniprésente. Changer les usages ne se fera pas du jour au lendemain.

Pollution plastique : où en est la réglementation ?

En France, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, dite loi Agec, prévoit la fin de la mise sur le marché des emballages en plastique à usage unique d’ici 2040. Des objectifs de réduction, de réutilisation et de réemploi et de recyclage sont fixés par étape. Cette loi, qui a le mérite d’être contraignante, reste cependant limitée. D’une part, l’accent mis sur le recyclage ne résout pas tout, puisque même recyclé le plastique reste nocif pour la santé. D’autre part, le plastique n'est pas encore concerné par la mise en place d’une filière à responsabilité élargie des producteurs (REP).

En 2024, le Parlement européen a voté une loi sur les emballages, avec un objectif de réduction de 5% du volume de déchets d’emballages d’ici 2030 (par rapport à 2018), puis de 10% en 2035 et de 15% en 2040. La mesure phare du texte met fin aux plastiques à usage unique d’ici au 1er janvier 2030. Cela concerne la restauration pour les aliments et boissons consommés sur place, mais aussi les emballages plastiques des fruits et légumes, les films plastiques pour les valises dans les aéroports, les sacs plastiques ultralégers, les chips de polystyrène utilisées dans les colis, les flacons miniatures de shampoing dans les hôtels…

Pour aller plus loin, il faudra sans doute attendre l’adoption du traité international contre la pollution plastique, qui vise une réduction du plastique plus élevée et applicable à tous les secteurs. Toujours au niveau mondial, l’idée d’un "GIEC du plastique” fait aussi son chemin, soutenue aussi bien par les associations, soucieuses que la science occupe la place qui lui revient dans les débats, que par le ministère français de la Transition écologique. Il y a quelques jours, le gouvernement canadien a annoncé qu’il exigera la déclaration et le suivi du plastique auprès des fabricants et des importateurs de plastique.


Qu’est-ce que le traité international contre la pollution plastique ?

Cet accord international vise à réduire la pollution par les plastiques en considérant l'ensemble de leur cycle de vie, des phases de conception et de production à leur recyclage ou élimination. Contrairement à d’autres accords environnementaux, tels que l’accord de Paris sur le climat, il sera juridiquement contraignant. En négociation depuis 2022 entre les États membres de l'ONU, le texte devrait être finalisé à Busan, en Corée du Sud, d’ici au 1er décembre 2024 pour une adoption en 2025 - un calendrier remarquablement serré pour un sujet environnemental. À date, un consensus n’a pas encore été atteint entre les pays qui misent sur le recyclage, dont des pays producteurs de pétrole, et les 65 membres de la Coalition de la haute ambition (HAC), dont la France, qui visent "une réduction nette de la production de polymères plastiques primaires” (PPP).
 

Merci à Clarisse Jolivet, Manager, PwC France et Maghreb, pour sa contribution à ce texte.

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