Avec l’AMIPI, industrie et insertion avancent de pair pour un bénéfice mutuel

Un technicien qui présente ses cables
  • 24 juil. 2023

Depuis plus de 50 ans, la Fondation AMIPI-Bernard Vendre fait la démonstration que l’industrie peut être un terreau fertile d’apprentissage et d’insertion professionnelle pour les personnes en situation de handicap. Certaines productions manufacturières peuvent en retour bénéficier de ces compétences pour se maintenir en France, tout en s’engageant dans une démarche d’insertion professionnelle et d’inclusion.

 

Solidement déployées dans l’automobile avec de prestigieux clients, les activités de l’AMIPI doivent aujourd'hui se diversifier pour accroître la résilience face aux évolutions de la filière. La Fondation a confié à Strategy&, l’entité de conseil en stratégie de PwC France et Maghreb, la mission d’identifier d'autres secteurs industriels dont les modes opératoires sont compatibles avec des parcours d’apprentissage pour publics vulnérables.

Quelle est la proposition de AMIPI pour ses salariés ?

Jean-Marc Richard, Président de l’AMIPI - La fondation scientifique et industrielle AMIPI-Bernard Vendre offre à des personnes atteintes de handicaps cognitifs la possibilité de trouver une place active dans la société en se formant et en travaillant dans ses usines de production, d'apprentissage et d'insertion (UPAI). 

Tout a commencé avec Maurice Vendre. Père d'un enfant atteint de trisomie, il cherchait à pallier l’absence de structures éducatives et professionnelles susceptibles de le prendre en charge. Son ambition était également de combattre la mise à l’écart que subissaient les personnes alors désignées comme “handicapées mentales”, et souvent exclues pour cette raison.

L’industrie peut avoir un visage aussi humain qu’utile à l’heure de la mondialisation excessive et de l’automatisation à outrance. L’usine est en effet un terreau fertile d’apprentissage et d’insertion professionnelle pour les personnes en situation de handicap. La compétence en la matière développée par l’AMIPI est désormais reconnue par les plus grands scientifiques de la neuroplasticité ou de la psychiatrie, et lui a valu son statut de fondation reconnue d’utilité publique.

"La France compte 600 000 personnes en situation de handicap, mais capables de travailler si on les y aide. C'est notre enjeu prioritaire."

Maryse Vendre, membre fondateur de l’AMIPI

Pour les industriels, quelle est la valeur offerte par le modèle AMIPI ?

Pour les industriels, notre proposition de valeur est double. En tant qu’équipementier automobile, nous offrons une possibilité de maintenir en France, voire de relocaliser, certains types d’activités manufacturières (coupe de fils et montage de câbles électriques, assemblage). Grâce à son statut d’entreprise adaptée (EA), l’AMIPI reçoit une aide aux postes en compensation d’un rendement inférieur à celui d’une usine classique. L’Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) apporte un complément.

Avec la montée en puissance des enjeux de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), un nombre croissant d’industriels se montrent par ailleurs sensibles aux thématiques d’inclusion, notamment de personnes en situation de handicap. L’AMIPI est une solution pour certaines entreprises engagées dans cette démarche.

Comment l’AMIPI conduit-elle son projet d’insertion professionnelle ?

Jean-Marc Richard, Président de l’AMIPI - Aujourd'hui, l’AMIPI emploie près de 900 personnes, dont 750 en situation de handicap cognitif (schizophrénie, trisomie 21, invalidité suite à un accident de la vie, etc.) dans six usines en Centre-Val de Loire et Pays de la Loire. La Fondation agit selon trois axes complémentaires : 

  • Les apprentissages, avec une pédagogie fondée sur le développement neuronal par le travail manuel (inspirée notamment de la psychologie mimétique) et sur l’acquisition de compétences périphériques (vision dans l’espace, analyse en 3D).

  • La mise en œuvre de ces apprentissages dans de petites unités de production autour de tâches essentiellement manuelles et décomposables en multiples apprentissages, et de notions telles que le rythme de travail et les objectifs industriels. Par exemple, tous les opérateurs connaissent l’enjeu de qualité produit de nos clients.

  • Enfin, l'insertion dans une entreprise externe grâce à un parcours personnalisé (stage, mise à disposition, CDI).

Cet environnement stimule l'apprentissage en privilégiant l’interagir, puisqu’il s’agit d’apprendre dans la relation aux autres et en particulier à ceux qui ont déjà réalisé cette activité et souhaitent la transmettre. Dans les usines de l’AMIPI, les activités sont confiées aux personnes au moment où elles en ont besoin pour se développer. Elles apprennent des encadrants et d’autres apprenants, compétents et bienveillants. 

L’évolution est mesurée, avec le rendement comme indicateur de progrès. Tout le savoir-faire de l’AMIPI est positionné sur l’organisation des apprentissages. La digitalisation des postes et l’autocontrôle sont constamment privilégiés et les résultats en termes de rendement sont incroyables.

Quel défi l’AMIPI rencontre-t-elle aujourd’hui ?

Jean-Marc Richard, Président de l’AMIPI - Depuis plus de 50 ans, l’apprentissage dispensé par l’AMIPI se base sur la production de faisceaux électriques (de l’ordre de 8,5 millions par an) pour l’automobile. L'industriel Louis Gallois avait en effet favorisé le développement de ce savoir-faire au sein de la Fondation et l’avait soutenue à un moment où la tendance était à la mondialisation de la production. Aujourd’hui, l’AMIPI est le dernier fabricant de câblage automobile localisé en France, avec des clients tels que Faurecia, Plastic Omnium, Renault et Stellantis.

Mais la réussite de cette mono-activité présente aussi un risque. Pour pérenniser son fonctionnement tout en faisant bénéficier à d’autres secteurs de ce projet expérimental, la Fondation cherche des axes de diversification. Nous avons pour objectif de démarrer une nouvelle activité qui puisse atteindre 20% du chiffre d’affaires.

Quelle méthode a été employée pour identifier les axes de diversification pertinents pour l’AMIPI ?

Olivier Lluansi, Associé, Strategy& - L’objectif principal pour l’AMIPI était d’identifier d’autres secteurs capables de s’approprier les enjeux scientifiques de l’apprentissage pour des publics fragiles et de s'inscrire dans une démarche de soin et d’insertion par le travail. Cela suppose par exemple un découpage de l’activité en différents apprentissages avec un certain degré de répétition, mais aussi suffisamment de variété pour permettre une progression du plus simple vers le plus complexe.

Nous avons donc privilégié des critères de production plus que des critères classiques tels que les résultats financiers ou la croissance. Pour atteindre un grand degré de granularité dans la segmentation des processus de fabrication, nous avons rencontré des donneurs d’ordres dans différentes filières, notamment dans des industries d'assemblage telles que le textile, ainsi que des fédérations professionnelles et le Centre technique de la Fédération des industries mécaniques (Cetim). 

Dan Michaux, Directeur, Strategy& - Cette mission n’est pas qu’un travail en chambre. Elle allie le meilleur de ce que Strategy& sait faire dans l'analyse économique et stratégique avec une approche très opérationnelle. Nous avons alimenté les équipes de l’AMIPI avec le résultat de nos analyses statistiques et de nos entretiens d’experts. Des ateliers sur les segments de produits ont permis de s’assurer que ces derniers étaient compatibles avec les trois critères recherchés : viabilité économique du modèle, potentiel d’apprentissage et de formation, faisabilité technique et industrielle. Nous avons par exemple privilégié des activités d’assemblage complexes avec un investissement de départ raisonnable.

En nous appuyant sur la connaissance pointue des métiers manufacturiers avec des experts sectoriels, nous avons identifié 21 grands secteurs et 103 sous-classes de production. 

  • Pour chacune, nous avons recherché les compétences mobilisées et leur valeur économique, la liste et la localisation des opérateurs sur le territoire national, leur potentiel en France, les étapes de fabrication impliquées (usinage, assemblage, tests, contrôles qualité…).

  • Parmi les sous-classes de production pertinentes, nous avons recommandé à l’AMIPI de prospecter au sein de cinq activités prioritaires : l’électronique, l’électroménager, la mobilité, le textile et la seconde vie des produits (recyclage, reconditionnement). 

L’ambition de diversification doit également être compatible avec l’approche de grands industriels implantés en France et qui sont à la recherche d’un savoir-faire manufacturier de proximité sur toute la chaîne de valeur : formation, études et prototypage de produit, conception de lignes de production, logistique. L’outil industriel très flexible de l’AMIPI, avec une chaîne d’approvisionnement locale, complète les raisons de travailler avec la Fondation.

Quels sont les premiers résultats de cette approche innovante ?

Olivier Lluansi, Associé, Strategy& - Ce type d’initiatives peut tout à faire contribuer, à son échelle, à la renaissance industrielle de la France. La phase de mondialisation des échanges et la désindustrialisation qui a suivi en France ces 30 dernières années ont contribué à déconnecter les lieux de consommation des lieux de production. Cela a nui à la compréhension de la fabrication des produits et du fonctionnement du monde industriel par le grand public, voire par les décideurs. 

En prenant pour point de départ les chaînes de valeur et les besoins des acheteurs - qu’ils soient acheteurs industriels ou consommateurs finaux-, l’approche de l’AMIPI contribue à rapprocher ces deux besoins au sein de chaînes d’approvisionnement et d’écosystèmes plus localisés, avec une maîtrise des impacts environnementaux et un réel partenariat RSE.

Dan Michaux, Directeur, Strategy& - Cette mission est une bonne illustration à la fois d’une démarche de long terme avec notre client et d’un processus de co-construction avec de nombreux acteurs. 

Lorsque la configuration s’y prête, l’AMIPI peut proposer à des entreprises de faire progresser l’inclusion dans leurs usines via de petits lieux d'apprentissage selon les méthodes élaborées par la Fondation. Elle vient par exemple de signer un contrat de trois ans avec un industriel pour accompagner la sensibilisation au handicap, inclure dans ses ateliers des personnes en situation de handicap et favoriser le retour au travail de personnes après une maladie.

La mission de Strategy& a également permis à la Fondation d’entrer en discussion avec un industriel du Grand Ouest leader dans les assemblages mécaniques et les matériels de transport. Tout en offrant une voie de diversification à l’AMIPI, un accord donnerait à l’entreprise accès à une main d'œuvre qualifiée et rapidement mobilisable pour répondre à une montée en cadence, dans un contexte où les activités d’assemblage sont sous tension sur le marché de l’emploi. Les usines apprenantes et inclusives de la Fondation à Nantes, Cholet ou Angers offrent par ailleurs une opportunité complémentaire de délestage pour cet industriel qui manque de place au sol pour soutenir sa croissance. Les deux parties disposent désormais d’une étude de faisabilité technique et d’un premier chiffrage de coûts.

“Nous avons découvert un vrai outil industriel qui met l’humain au centre, c’est impressionnant.”

Un industriel des Pays de la Loire lors de la visite d’une usine apprenante de l’AMIPI

À propos de la Fondation AMIPI - Bernard Vendre 

Établissement scientifique et industriel reconnue d'utilité publique (RUP), la Fondation AMIPI-Bernard Vendre s’est fixée pour mission d'aider des personnes atteintes de handicaps cognitifs à s'insérer socialement par l'exercice d'une activité professionnelle en milieu classique. En leur permettant de mettre en valeur leurs capacités physiques et intellectuelles dans une activité industrielle selon des méthodes pédagogiques professionnelles et techniques adaptées à leur handicap, cette activité contribue à lutter contre les préjugés dont sont victimes les personnes handicapées dès leur plus jeune âge. 

Pour en savoir plus sur le modèle apprenant et inclusif de la Fondation, lire “Le travail qui guérit” du neuropsychiatre Jean-Michel Oughourlian. “Une entreprise fabrique des objets ; elle fabrique aussi de l’humain”, constate-t-il après son immersion dans les usines apprenantes et inclusives de l’AMIPI.

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