
communiquer collectivement les besoins pluriannuels aux nouveaux fournisseurs,
valider les éléments de prix pour calculer le coût total de possession (total cost of ownership, ou TCO, qui recouvre le coût d’achat d'un bien et son coût de fonctionnement tout au long de son cycle de vie), et ainsi sécuriser la pertinence économique de la relation acheteurs-fournisseurs locaux,
envisager des commandes groupées.
De telles collaborations entre pairs, y compris concurrents, existent par exemple pour réduire l'empreinte carbone des transports dans la distribution de produits de grande consommation. La même logique peut s’appliquer dans une optique de soutien des capacités industrielles locales.
Du point de vue des achats, la relocalisation pourra être considérée comme un succès lorsque la proximité des fournisseurs sera le critère numéro 1 des décisions d’approvisionnement du fait à la fois des bénéfices sociaux et environnementaux associés, et de la pérennisation de l’écosystème industriel national.
Si je change pour un fournisseur local, combien d’emplois directs et indirects seront créés ou maintenus ? Des outils permettent aux donneurs d’ordres de répondre de façon macro à cette question. Pour plus de finesse dans l’analyse, le fournisseur lui-même peut apporter une estimation du nombre de postes ouverts à partir de tels volumes commandés.
Le transport ne représente en moyenne que 5% du prix d’un produit, contrairement à la main-d'œuvre, qui pèse davantage et dont le coût est plus élevé en France. Dans la plupart des cas, la relocalisation n’apporte donc pas d’avantage tarifaire aux Directions achats. Cependant, les donneurs d’ordres peuvent tenir compte de l’impact positif de leurs commandes locales sur l’emploi dans leur bassin économique territorial.
Outre le volet social, les critères de choix peuvent inclure une dimension environnementale. Si les acteurs industriels déjà en place doivent s’engager dans la décarbonation de leurs activités, celles-ci sont décarbonées by design dans les usines nouvellement créées. Un avantage concurrentiel dont doivent tenir compte les donneurs d’ordres, notamment ceux dont le périmètre de reporting comprend les émissions de gaz à effet de serre (GES) de leur chaîne d’approvisionnement (scope 3).
Les Directions achats peuvent s’inspirer de secteurs comme l’électronique ou l’aéronautique, où les grands donneurs d’ordre pratiquent déjà la réservation de capacités pour le compte de leurs fournisseurs directs, dits de rang 1. Ainsi, la disponibilité de ressources critiques peut être assurée par des contrats tripartites entre :
À l’instar des engagements net zéro de réduction des émissions carbone, un donneur d’ordre peut s’engager à acheter à hauteur de x% à des entreprises françaises, ou à opter pour le produit le plus proche quand une alternative locale se développe. Ces engagements, qui peuvent être intégrés à la stratégie RSE de l’entreprise ou faire l’objet d’un dispositif spécifique, font des Directions achats des acteurs particulièrement efficaces de la reconstitution de filières industrielles françaises.
“Les Directions achats des grands donneurs d’ordres doivent prendre l’initiative de collaborer avec tout leur écosystème - pairs, territoires, nouvelles capacités industrielles - pour mettre en place les conditions d’une relocalisation pérenne.”
Le secteur aéronautique offre une bonne illustration des deux recommandations ci-dessus. En phase d’accroissement de la production (ramp up), le donneur d’ordres utilise un outil collaboratif pour partager son planning d’activité avec ses fournisseurs. En retour, ces derniers indiquent s’ils sont en capacité ou non de répondre à la demande, quels sont les effets de seuil à prendre en compte et éventuellement les investissements à obtenir pour atteindre les volumes ou caractéristiques de production attendus.
La Direction achats dispose ainsi d’une bonne visibilité sur les risques de blocage et les ajustements à accompagner chez ses fournisseurs. Cette démarche est particulièrement pertinente dans les filières où les ressources sont en tension, comme les batteries électriques.
La première étape pour les industriels est de cartographier leurs besoins en compétences. Dans ces projections, il convient également de prendre en compte le déploiement de solutions robotiques et d’intelligence analytique artificielle, qui constituent le fer de lance de la fabrique de demain en permettant de dégager des gains de productivité du travail, mais nécessitent également de nouvelles compétences.
Il s’agit ensuite de confronter ces besoins à la disponibilité - ou non - de profils correspondants sur le marché local du travail.
L’analyse quantitative et qualitative des écarts permet d’identifier les postes pour lesquels la montée en compétences de collaborateurs est possible et ceux pour lesquels de futures embauches sont à prévoir.
Les industriels peuvent alors évaluer le vivier de main-d'œuvre disponible avec les compétences requises : nombre de personnes déjà formées et nombre de personnes à former.
Enfin, ce sera aux instances en charge de la formation professionnelle (les Régions et les organisations de filières telles que l’UIMM, le syndicat patronal des entreprises industrielles de la métallurgie) de déterminer si les contrats de formation existants permettent de répondre à la demande, ou si des capacités de formation supplémentaires doivent être développées.
Dans certains secteurs, des démarches collaboratives d’envergure commencent à porter leurs fruits. Par exemple, le développement de la Vallée de la batterie dans les Hauts-de-France doit beaucoup à des coopérations réussies entre constructeurs et équipementiers automobiles, entre startups et investisseurs.
“Notre étude dresse un panorama des initiatives de relocalisation lancées en France depuis 2020. Elle met en lumière les opportunités dont les Directions achats doivent s’emparer pour profiter de cette dynamique de réindustrialisation et la pérenniser.”
* Selon l’étude de PwC France et Maghreb pour le Conseil national des achats (CNA) : Relocalisation des achats stratégiques (juillet 2020)