Nos sociétés se trouvent à un moment clé. Rarement auparavant avons-nous connu une telle convergence de crises : sociale, sanitaire, économique, écologique... De même, jamais les questions liées au développement durable ne sont-elles apparues aussi centrales. Pour le monde des affaires, deux tendances fortes changent la donne : la montée en puissance très forte du politique au travers de l'accélération réglementaire, notamment à l’échelle européenne, et l'éveil de la société aux enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) .
Si le contexte de l'entreprise évolue, celle-ci change aussi de l’intérieur. L’entreprise se redéfinit, le rôle qu’elle veut jouer dans la société se renouvelle, et à sa suite la notion-même de performance aussi. Les implications n’ont rien d’anecdotiques, de la remise à plat des modèles économiques à la maîtrise de nouveaux types de données, en passant par la transformation des organisations et modes opératoires.
Les enjeux sont mondiaux et la réglementation européenne ou nationale, mais les avancées se concrétisent aussi au niveau des territoires et dans le quotidien des entreprises. C’est ce parcours que nous explorerons au fil des mois sur le site et le compte Twitter #LetsgoFrance. Nous vous invitons à y rejoindre la discussion.
Le monde de l’entreprise évolue très fortement, avec une accélération majeure de la prise en compte sociétale et réglementaire du développement durable. Un effet miroir renforce cette accélération : plus la société civile se préoccupe du sujet, plus les politiques s’en font écho - et réciproquement.
La vision politique de l’Europe se caractérise par une volonté de transition juste vers une économie neutre en carbone et qui tienne compte des enjeux sociaux. “Notre objectif est de réconcilier l'économie avec notre planète”, a très clairement annoncé Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, en 2019.
Dans le cadre de son Green New Deal, l’Union européenne (UE) fait le pari politique que pour transformer l’économie, il faut commencer par transformer l’industrie financière. Le plan Finance durable vise cet objectif en réorientant les flux de capitaux vers les investissements responsables, l’intégration du développement durable dans la gestion des risques, et l’encouragement d’une vision transparente et long-termiste de la finance et de l’économie.
”This is Europe’s man-on-the-moon moment.”
Taxonomie, règlement Disclosure, Corporate sustainability reporting directive (CSRD)… : la finance fait face à un tsunami réglementaire. La crise du Covid-19 n’a en rien ralenti la course du régulateur à l’intégration des enjeux ESG, bien au contraire. Dans tous les pays, les autorités des marchés financiers - l’AMF pour la France - s’emparent elles aussi du sujet.
Pour aider les acteurs de la banque et de la finance, qui font parti des plus rapidement impactés par le tsunami réglementaire à venir, PwC vient de publier avec l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE) deux guides de la finance durable qui recensent l'ensemble des textes en vigueur ou à venir relatifs à la finance durable applicables dans ces secteurs. Le cabinet a également publié avec France Invest le guide juridique et réglementaire Comprendre les textes sur la finance durable destiné aux acteurs du capital investissement. Enfin, la série de webcasts PwC Focus a consacré ses rendez-vous du reporting de durabilité à expliciter des sujets tels que le risque climat dans le reporting financier, la publication d’informations extra-financières et la taxonomie.
Des enjeux sociétaux majeurs impacteront l’écosystème des entreprises et des politiques. Le premier d’entre eux est la démographie : notre mode de développement ne sera plus tenable avec plus de 10 milliards de personnes sur la planète d’ici 2100, ni même avec 8,5 milliards en 2030. Dès lors, comment continuer à vivre et “répondre à nos besoins sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs”, selon les termes de Gro Harlem Brundtland dans son rapport Notre avenir à tous (Our Common Future, Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l'Organisation des Nations unies, 1987) ?
L’actualité mondiale de 2021 montre bien que nous vivons déjà dans un monde où l'impact climatique est majeur, sur tous les continents, et notamment sur les populations déjà les plus fragiles. Dans la société civile, la prise de conscience des questions sociales et environnementales s’accélère, notamment parmi les jeunes générations.
“Nous sommes la première génération qui peut mettre fin à la pauvreté et nous sommes la dernière qui peut mettre fin au changement climatique.”
La protection de l’environnement était, d’après un sondage Sopra-Steria d’août 2021, la seconde préoccupation des Français après l’épidémie de Covid-19. Des mouvements étudiants, comme Le Manifeste étudiant pour un réveil écologique, en appellent à un avenir meilleur environnementalement et viable socialement. Des collectifs de salariés interpellent les employeurs sur des questions de développement durable ou lancent des initiatives pour s'engager à travers son emploi. Les critères ESG sont également de plus en plus pris en compte dans leurs achats par les consommateurs, dont le poids prescriptif ne cesse de croître, comme le montre la dernière étude Global Consumer Insights de PwC.
Ces attentes, de plus en plus précises et ciblées, sont en train de redessiner un périmètre sociétal et économique neuf autour des entreprises. Comme l’a formulé en 2019 Mark Carney, alors gouverneur de la Bank of England, “Les entreprises qui ne s'adaptent pas (...) feront faillite sans aucun doute”.
Le rôle de l'entreprise évolue. “En 2030, le plus important pour notre société sera d’avoir une stratégie toujours lisible pour nos actionnaires, mais surtout acceptée sociétalement”, résume le président d’une entreprise du CAC 40 interrogé par PwC. C’est également le sens de l’engagement des 150 dirigeants d’entreprises, pesant plus de 36 milliards d'euros de chiffre d'affaires, qui ont rejoint la Convention des entreprises pour le climat (CEC). Créée en décembre 2020 et lancée en septembre 2021, cette association du monde économique réunit des entreprises de tous secteurs pour établir des feuilles de routes environnementales ambitieuses en invitant toutes les filières à se transformer.
Les investisseurs ont, pendant la période Covid-19, très clairement démontré l’écart de performance entre les entreprises intégrant les enjeux ESG et les autres. Dans un contexte de pandémie, l’ESG renforce la résilience, voire la performance, des organisations, ce qui a cranté dans l’esprit des investisseurs qu’i est plus sûr d’investir en tenant compte de ces critères : “de bons scores ESG peuvent être un signe de qualité et de résilience sur des marchés boursiers et obligataires tumultueux”, a souligné Axa Investment Managers dès l’été 2020.
À tel point qu’un certain nombre de très grands investisseurs internationaux, dont certains réunis en collectifs comme l’Institutional Investors Group on Climate Change (IIGCC), se sont adressés aux présidentes et présidents des comités d’audit et aux auditeurs pour comprendre comment les questions climatiques étaient intégrées dans les comptes. De même, de grands fonds questionnent les entreprises sur leurs déclarations et sont particulièrement vigilants aux tentatives de greenwashing.
D’après l’étude Global Investor ESG Survey 2021 menée par PwC, les facteurs ESG s’inscrivent de plus en plus au cœur des stratégies d'investissement. Selon le Global Investor ESG Survey 2021 de PwC, un investisseur sur deux est prêt à céder sa participation si l’entreprise ne prend pas de mesures en faveur des questions ESG. "Si vous n'êtes pas en mesure de mener une stratégie climatique à horizon de dix ans, vous ne devriez pas être PDG. C'est aussi simple que cela. Votre entreprise ne trouvera pas de capitaux.” - Emmanuel Faber, ancien PDG de Danone et aujourd’hui chairman de l’International Sustainability Standards Board (ISSB) au sein de l'IFRS Foundation, dans Time, 2021.
Des indices spécialisés apparaissent, d'autant plus visibles qu’ils sont lancés par de très grandes plateformes mondiales d’évaluation historiquement financière : création du CAC 40 ESG d’Euronext avec Moody’s, acquisition du Dow Jones Sustainability Index par Standard and Poor's. L’ESG est devenu un élément de marché et un sujet de direction financière et de direction générale, non plus réservé aux directions RSE.
Côté private equity, qui investit dans le non coté, la finance durable est elle aussi considérée comme un réel levier de création de valeur : 74% des acteurs du capital-investissement français identifient la création de valeur comme le principal levier de leur démarche ESG. L’ESG est au cœur du modèle économique de l’entreprise, de son plan de transformation et de son plan de création de valeur. Cette conclusion ressort fortement de l’étude mondiale Private equity’s ESG journey: From compliance to value creation de PwC, parue en mai 2021.
Le développement durable n’est pas de l’écologie, mais un nouveau regard sur l’économie et la recherche d’un nouveau mode de développement, le développement actuel n’étant pas durable du fait de ses conséquences sociétales et environnementales dans un contexte démographique exponentiel à moyen terme.
De plus en plus, les entreprises expriment fortement leur ADN en définissant une raison d’être qui ne se limite pas aux enjeux business mais intègre l’utilité sociétale de l’entreprise. Ces raisons d’être font toutes le lien entre le métier de l’entreprise et des enjeux plus larges, sociaux et environnementaux.
“La plupart de nos interlocuteurs partagent le sentiment que la raison d’être des entreprises va devenir clé : il ne s’agit plus d’avoir un discours cosmétique mais de faire de l’utilité des entreprises une réalité. Dans cette logique, les entreprises devront savoir réconcilier priorités économiques, sociales et environnementales"
Avec l’Institut de l’Entreprise, PwC réfléchit à la redéfinition de l'entreprise en projetant toutes les fonctions, de la finance et des achats au marketing et aux ressources humaines, dans l’entreprise de 2030 qui aurait pleinement intégré les enjeux RSE. Car ce n’est plus seulement dans les directions RSE que se redessinent les contours de l’entreprise, mais dans toutes les fonctions, à commencer par la finance. À l’occasion de la COP26, on a vu la forte mobilisation des dirigeants d’entreprises autour des questions climatiques. Leur objectif : trouver un nouveau modèle économique.
De plus en plus, l’entreprise est vue et se pense comme acteur majeur du monde de demain. Cette nouvelle vision du rôle de l’entreprise implique une nouvelle définition de la performance, désormais à la fois financière et extra-financière.
Dans cette nouvelle donne, que sera une entreprise performante ou une "bonne" entreprise ? Quelles en seront les clés de lecture ? Les indicateurs de performance actuels seront-ils suffisants face à ces évolutions ? Probablement non. C'est pour cela que PwC contribue à repenser la notion de performance autour de résultat et de l’impact, dans une démarche non plus rétrospective mais résolument prospective.
“Tous les éléments de bilan devront avoir un éclairage extra-financier [...] Il n’y a plus de débat”
Jusqu’à présent, une entreprise performante était définie par des indicateurs bien connus et relativement aisés à suivre par les analystes. À partir du moment où les ambitions de l'entreprise dépassent sa seule performance économique, les KPIs habituels ne suffisent plus.
« Les financeurs envoient un message en disant : une entreprise bien gérée est capable d’articuler un dialogue financier et un reporting extra-financier. Ce qui est vrai des grands émetteurs, des multinationales, est vrai des entreprises de taille moyenne. C’est vrai dans le coté et encore plus vrai dans le non coté. »
La nouvelle définition de la performance de l’entreprise suppose de mesurer de nouveaux indicateurs. “Tous les éléments de bilan devront avoir un éclairage extra-financier [...] Il n’y a plus de débat”, poursuit Olivier Millet. “Il faut accélérer le pas car il en va de la survie des entreprises en termes d’adaptation au monde qui bouge, que ce soit dans leur modèle économique par rapport à leurs parties prenantes aval (salariés, clients, consommateurs) ou amont (sources de capitaux) pour continuer à alimenter des accélérations de croissance”.
On parle aujourd’hui de plus en plus d’indicateurs d’impact et les objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies s’inscrivent dans cette optique. Nombre d’investisseurs ont commencé à arbitrer entre pure performance économique et impact positif, avec pour vision de l’entreprise performante de demain une organisation capable de concilier les deux.
Ces réflexions sont au cœur des débats prospectifs sur le reporting de durabilité (ou reporting extra-financier), et sur les futurs référentiels dans ce domaine. Ainsi, arrivera un moment où une croissance économique dont l’impact RSE serait négatif (en termes d'environnement, de conditions de travail, etc.) sera considérée comme non durable. Ce type de croissance pourrait à terme devenir inacceptable et susciter le rejet des parties prenantes de l'entreprise, à commencer par ses talents actuels et futurs, ses clients et même les investisseurs.
Rendre compte de cette réalité est l’un des défis auxquels feront face les entreprises dans les années à venir. Afin de rendre compte au mieux de sa performance globale, se posera très vite la question du calcul de l’empreinte sociétale. L’entreprise devra compléter les indicateurs de reporting existants par des approches complémentaires démontrant les conséquences de son activité économique au regard des ODD.
Désormais, la lecture de la performance des entreprises se transforme pour refléter le rôle sociétal qu’elle souhaite endosser. La taxonomie est le premier lien entre les informations financières et extra-financières. Elle change profondément la définition de la performance des entreprises, définition nouvelle qui impacte l'ensemble du monde financier. Ainsi, elle devient un véritable enjeu d’accès aux financements pour les entreprises, les obligeant à adapter leur système de reporting.
La comptabilité que l’on utilise aujourd'hui est bien plus étroite que la comptabilité de demain, et c’est dès à présent qu’elle se dessine. En 2020, PwC a créé avec deux de ses grands clients, Danone et L’Oréal, la Chaire Audencia dédiée à la performance globale multi-capitaux. PwC réfléchit également à ces questions avec l’Institut Montaigne en travaillant sur les prix du carbone, qui préfigurent la manière dont l’extra-financier va entrer dans la comptabilité.
“Les notions de résultats s’accompagnent de notions de perspective, d’engagement et d’impact - trois éléments nécessaires en termes de résilience. Une performance statique n’aura plus de sens.”
La notion de performance que nous connaissons aujourd’hui va évoluer dans deux grandes dimensions : au plan thématique (les éléments comptables et financiers vont s’entourer de nouveaux éléments) et au plan temporel (les notions de résultats, par exemple à la clôture des exercices financiers, s’accompagnent de notions de perspective, d’engagement et d’impact - trois éléments nécessaires en termes de résilience. Une performance statique n’aura plus de sens. Nous sommes au début de cette réflexion, à laquelle PwC participe en investissant sur ces questions.
Si l'on regarde une fonction que l’on n’attendait pas en priorité sur les questions RSE, la fonction financière, on voit une prise en main de ces enjeux. Christophe Babule, CFO de L’Oréal, est très présent. Selon l’étude 2021 de PwC sur les priorités des directeurs financiers de grands groupes, 85% de ces derniers estiment que la crise sanitaire a accéléré l’intégration des enjeux RSE dans la stratégie d’entreprise. Les aspects les plus impactés seront le pilotage (suivi de la performance globale de l’entreprise) et la communication financière et extra-financière.
“Demain, la donnée en matière de développement durable devra être aussi disponible, accessible, fiable et contrôlée que la donnée financière.”
Dans la mesure où le spectre de la notion de performance s’élargit, la question des données vient au premier plan. Aujourd’hui, les détenteurs de la donnée de performance sont les directions financières, et le restent avec l’arrivée des données extra-financières. Pour 60% des DAF interrogés, les données extra-financières sont aussi importantes que les données financières.
Demain, la donnée en matière de développement durable devra être aussi disponible, accessible, fiable et contrôlée que la donnée financière. C’est la route sur laquelle nous sommes engagés.Ce chemin passe par plusieurs phases, dont l’adaptation des systèmes (les outils qui gèrent les données ESG n’ont rien de commun avec ceux qui gèrent les données financières) et des organisations produisant les données ESG pour amener ces dernières au niveau de qualité des données financières. Il implique également une évolution du contrôle interne et des contrôles externes.
Nous sommes à un moment de bascule, où les questions ESG passent du registre déclaratif au domaine de l’action. Dans cette transition que la pandémie a accélérée, l’épicentre se déplace peu à peu du régulateur à l’acteur de terrain, avec un rôle essentiel à jour pour les territoires. Il s’agit désormais d’accompagner les entreprises de toutes tailles (grand groupe, ETI, startup…) et de tous secteurs dans l’évolution de leur modèle économique. Engagé en France depuis près de 30 ans dans les problématiques de développement durable, PwC est au cœur de ce changement de paradigme. Le cabinet dispose d’une force de frappe incomparable pour aider les organisations à anticiper, comprendre et articuler le changement, de la définition de la stratégie à la mise en œuvre de la transformation et au reporting.