Mur de la dette, hausse des taux d’intérêt

Quelles options pour financer les entreprises françaises ?

Décryptage #3 - Décembre 2022

Par Stéphanie Villers, Conseillère économique, PwC France et Maghreb

Nous changeons de paradigme. La résurgence de l’inflation a contraint les banques centrales à augmenter leurs taux d’intérêt. Conséquence : se financer par l’emprunt devient plus contraignant et plus coûteux. L’ère où les taux étaient proches de zéro est révolue. Les entreprises doivent faire face à des coûts de financement plus élevés. 

Mais l’urgence climatique et la nécessaire relocalisation industrielle obligent aussi les firmes françaises à revoir leur business model en se tournant vers la transition écologique et la modernisation de leur appareil productif. Au centre de ces priorités figure le besoin de financement. Dans un contexte conjoncturel heurté, si aller vers davantage d’autonomie en matière de production en privilégiant les activités non polluantes semble être une ambition indiscutable, reste à savoir comment la financer ? 

En dépit des conséquences économiques de la guerre en Ukraine, les derniers indicateurs de l’INSEE sont rassurants. Les entreprises françaises maintiennent pour l’instant le cap et restent concentrées sur les enjeux de long terme. Leurs investissements ont accéléré au troisième trimestre de +2,3, prolongeant ainsi la relative dynamique constatée en début d’année. 

En face, les prêteurs disposent toujours d’une liquidité abondante. Mais, compte tenu des incertitudes grandissantes, les primes de risque se redressent peu à peu.  Ainsi, en cette période budgétaire de fin d’année, les entreprises se voient confrontées à des perspectives moins réjouissantes. Certaines d’entre elles enregistrent un niveau d’endettement inquiétant. Globalement, le niveau de dettes des entreprises en France est élevé (+81,7 % du PIB). Face à ce mur de la dette, la crainte d’une crise financière resurgit dans un contexte de hausse de taux d’intérêt. 

Pour autant, le marché de la dette, qui permet de financer l’investissement par l’emprunt, a évolué depuis une quinzaine d’années en s’adaptant au besoin grandissant de financement de l’économie. Aujourd’hui, de nombreuses options sont à la disposition des entreprises. L’innovation financière, en permanence renouvelée, devrait permettre de trouver in fine les réponses adéquates pour empêcher une crise à l’instar de celles de 2008 et de 2012. Par ailleurs, créanciers et débiteurs, forts des enseignements de ces deux précédentes crises, poursuivent désormais un objectif commun : négocier pour éviter le risque de défaut de paiement.  


Aurélie Picosson : Bonjour et bienvenue dans Décryptage, le podcast mensuel de PwC pour décoder notre économie et ses mécanismes. Je suis Aurélie Picosson et tous les mois, j'accueille Stéphanie Villers, notre conseillère économie, pour une discussion autour d'une actualité économique. Bonjour Stéphanie.

Stéphanie Villers : Bonjour Aurélie.

Aurélie Picosson : Ton dernier décryptage que l'on peut lire en intégralité sur le site Let's go France est consacré au financement des entreprises françaises. Aujourd'hui, les taux d'intérêt proches de zéro, c'est fini. Se financer par l'emprunt devient plus coûteux, mais on voit que les entreprises continuent de maintenir leur niveau en investissement. Comment tu l'expliques ?

Stéphanie Villers : C'est déjà une bonne nouvelle pour l'économie française. L'investissement des entreprises tient bon, alors qu'on voit que la croissance économique est en train de s'essouffler, la hausse du PIB n'a progressé que de 0,2 % au troisième trimestre par rapport au trimestre précédent et elle devrait être nulle pour la fin d'année. L'investissement global, c'est-à-dire l'investissement des ménages, des entreprises et aussi de l'État, est resté dynamique. Cet investissement a progressé de 1,3 % sur la période et il a été porté par les entreprises parce que leur investissement a accéléré sur la même période de plus 2,3 %. Puis il prolonge la dynamique qui avait déjà été constatée en début d'année, avec une hausse de 0,4 % au premier trimestre et de 0,8 % au second. Il faut noter que l'investissement est resté élevé, alors que les entreprises subissent une hausse de leur facture énergétique, puis elles savent qu'elles font face à une conjoncture dégradée. Je rappelle que le FMI table sur une croissance, cette année, de 2,5 % pour la France et d'uniquement 0,7 % en 2023.

Aurélie Picosson : Les entreprises françaises, elles investissent dans quels secteurs et dans quels domaines ?

Stéphanie Villers : L'Insee nous parle d'investissements en produits manufacturés et ils notent une forte progression dans l'investissement dans les technologies de l'information et de la communication. Les différentes études qui sont menées par PwC nous permettent d'obtenir plus de précisions, notamment son étude sur la tendance globale dans le MNÉ. On constate que les facteurs qui ont soutenu l'investissement à travers le rapprochement d'entreprises, c'est-à-dire les fusions-acquisitions, se concentrent autour de deux thèmes. Le premier, c'est le renforcement des compétences dans les questions environnementales, sociétales et de gouvernance, c'est-à-dire le ESG et surtout dans l'acquisition de nouvelles technologies.

Aurélie Picosson : L'étude priorité des directions financières corrobore aussi cette tendance ?

Stéphanie Villers : Oui, la dernière enquête qui a été publiée en novembre démontre que 73 % des entreprises prévoient de faire évoluer en moins de trois ans leur modèle de pilotage pour intégrer les facteurs en RSE, c'est-à-dire en responsabilité sociétale et environnementale. L'étude qui donne la parole aux fournisseurs montre que 48 % des entreprises témoignent d'une accélération de la structuration de leur démarche RSE dans leur relation client-fournisseur. Les 58 % des firmes déclarent avoir nommé un interlocuteur dédié aux enjeux de responsabilité sociétale. Enfin, un tiers des entreprises cotées en France ont pris des engagements de neutralité carbone, presque le double par rapport à 2020. On voit que les stratégies d'acquisition et d'investissement, leur permettent de répondre à cet objectif.

Aurélie Picosson : Néanmoins, le niveau élevé d'endettement des entreprises françaises est un facteur d'inquiétude et laisse craindre pour certains une augmentation des défaillances. On entend parler du mur de la dette. Qu'en est-il pour toi ?

Stéphanie Villers : En France, le niveau d'endettement des entreprises est plus élevé que dans la plupart des pays occidentaux. Selon les chiffres de la Banque de France, l'endettement en France a atteint en mars 2022 près de 82 % du PIB, bien au-dessus des États-Unis qui est à 52 %, de l'Allemagne à 51 ou encore du Royaume-Uni. Si on se compare, on peut penser que la France fait face à un niveau de dette particulièrement inquiétant.

Aurélie Picosson :  Comment explique-t-on que les entreprises françaises sont plus endettées qu'ailleurs ?

Stéphanie Villers : Ce taux d'endettement élevé a été favorisé par deux facteurs. D'une part, les taux d'intérêt sont restés très longtemps à des niveaux historiquement faibles. D'autre part, la liquidité est restée abondante. Le financement de l'économie a traversé une phase sans contrainte jusqu'en février 2022, date du déclenchement de la guerre en Ukraine. En fin 2021, les taux d'intérêt restaient proches de 1,2 % pour les crédits bancaires et de 0,8 % pour les financements de marché. Les taux français ont été inférieurs à la moyenne observée sur la zone euro en 2021.

Aurélie Picosson : Les prêts garantis par l'État, ils ont dû aggraver la dette des entreprises françaises ?

Stéphanie VillersOui, mais ces PGE qui ont permis, pendant la crise sanitaire à près de 700 000 entreprises, d'obtenir des prêts à des taux proches de zéro pour un montant total de 150 milliards d'euros et vont devoir peu à peu être remboursés avec une date butoir en 2025. Certaines entreprises, celles qui sont en difficulté financière, risquent d'être dans l'incapacité de refinancer leur dette étant donné la hausse des taux d'intérêt. Pour autant, face à cette menace, la Banque de France se veut confiante. D'après ses estimations, la dette nette, c'est-à-dire le solde entre la dette et la trésorerie, n'a quasiment pas progressé en pourcentage du PIB par rapport à la période d'avant-crise. Cette dette nette reste à 41,4 % en fin 2021 contre 40,6 en fin 2019. La Banque de France observe que peu d'entreprises sont actuellement obligées de rééchelonner leur dette, c'est-à-dire d'étirer ou d'aménager la période de remboursement de leur emprunt.

Aurélie Picosson : On n'a finalement pas d'inquiétude à avoir.

Stéphanie Villers :  Les risques de faillites en chaîne ne peut pas être totalement écarté, notamment si le contexte conjoncturel se dégrade ou continue de se détériorer. Certaines entreprises seraient vraiment en difficulté. Face à ce risque, on voit certains réclamer la nécessité d'annuler les PGE. Est-ce que c'est vraiment envisageable d'effacer les dettes ? Je ne pense pas, parce que ça créerait un effet d'aubaine rétroactif. Imaginez, ceux qui ont déjà remboursé leurs prêts ou ceux qui n'ont pas eu recours à cet avantage et qui ont puisé dans leur trésorerie. Envisager d'annuler les PGE des autres entreprises paraîtrait, à juste titre, un peu inéquitable. Au-delà de cette notion d'équité, il y a une réalité, elle qui est encore moins discutable. La parenthèse inédite où l'argent public coulait à flots s'est refermé définitivement. Je rappelle que Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne, a été claire sur la nécessité de lutter contre l'inflation et la BCE n'injecte plus de liquidité sur les marchés.

Aurélie Picosson : C'est en quelque sorte la fin de l'argent magique.

Stéphanie Villers : Oui, il va falloir affronter une nouvelle ère où les taux d'intérêt augmentent et où le quoiqu'il en coûte n'est plus financé par la BCE. Je rappelle que la période Covid a débouché sur un accroissement de la dette publique en Europe et en France en particulier, parce que celle-ci est passée de 98 % du PIB en 2019 à près de 112 % aujourd'hui. Je parle de la dette française. Ce surplus d'endettement public a été financé par la BCE qui a racheté quasiment l'ensemble des dettes émises par les États membres pendant cette période Covid.

Aurélie Picosson : Si je comprends bien, dorénavant le soutien monétaire de la BCE, c'est terminé. La France va devoir compter exclusivement sur les investisseurs privés.

Stéphanie Villers : Oui, les marchés financiers peuvent décider de se détourner de la dette française si, par exemple, ils considèrent que les comptes publics se dégradent trop avec une conséquence immédiate, c'est la forte remontée des taux d'intérêt. C'est ce qui s'est passé au Royaume-Uni. Rappelez-vous, lorsque la Première ministre Liz Truss a présenté son budget qui annonçait de fortes baisses d'impôts, immédiatement, les marchés ont réagi. Les taux d'intérêt se sont mis à bondir et la livre sterling s'est fortement dépréciée, ce qui a entraîné la démission de Liz Truss et la présentation d'un budget plus rigoureux. Au-delà de ce risque de sanctions de marchés, il faut noter que la poursuite des dérives budgétaires de la France risque de heurter la rigueur germanique. L'Allemagne a lancé de son côté un plan de soutien de près de 200 milliards d'euros en 2023, mais elle dispose de marges de manœuvre budgétaires suffisantes parce qu'elle a une dette publique qui est proche de 70 % de son PIB.

Aurélie Picosson : Ce plan de soutien allemand, ce n'est pas de la concurrence déloyale pour les autres États membres européens ?

Stéphanie Villers : Cette politique de relance outre-Rhin fait grincer des dents du côté des partenaires européens. Comme tu l'as dit, ils dénoncent une concurrence déloyale. Néanmoins, il faut admettre que l'Allemagne est plus rigoureuse que ses voisins du Sud, France incluse. Elle peut se permettre aujourd'hui de dépenser davantage. Finalement, il vaut peut-être mieux pour tous que la première puissance européenne évite de sombrer en récession. Il ne faut pas perdre de vue que le pacte de stabilité et de croissance, qui avait été temporairement suspendu pendant la période Covid, est en cours de renégociation. Le 9 novembre 2022, la Commission européenne a présenté son projet de réforme et ce dernier maintient les plafonds de dette à 60 % du PIB et de déficit public à 3 % du PIB.

Aurélie Picosson : Quelles sont les différences par rapport au précédent pacte ?

Stéphanie Villers : Il prévoit des périodes de quatre à sept ans pour atteindre ces objectifs et des plans de réformes plus adapter à la situation particulière de chaque État membre. Les sanctions vont être moins lourdes, mais elles seraient appliquées plus efficacement qu'aujourd'hui. Si cette réforme est acceptée, elle devrait être mise en œuvre avant les processus budgétaires des États membres pour 2024. La rigueur budgétaire n'a pas été remise en cause et reste la pierre angulaire du bon fonctionnement de la zone euro.

Aurélie Picosson : Dans ce contexte, quelles sont les options de financement pour les entreprises ?

Stéphanie Villers : L'emprunt bancaire constitue la principale source de financement pour les entreprises françaises. Il représente les deux tiers de l'endettement financier. L'endettement des entreprises en France a atteint 1 937 milliards d'euros, soit une hausse de 15 % sur deux ans. C'est à cause des PGE. Sur ce montant, il faut savoir que 64 % représentent des crédits bancaires et les deux tiers de ces crédits bancaires sont destinés aux PME et aux ETI. À l'inverse, 36 % de l'endettement des entreprises sont financés par le marché et lui, il est essentiellement orienté vers les grandes entreprises.

Aurélie Picosson : La dette bancaire reste, pour le moment, le financement le moins cher pour les entreprises ?

Stéphanie Villers : Oui, on observe un écart important entre le coût moyen des crédits bancaires qui reste inférieur à 2 % et celui par des financements de marché qui reste proche à 4,5 %. Comment on explique cet écart ? Les marchés financiers ont intégré, de suite, une prime de risque plus élevée avec la montée des incertitudes et la dégradation de la conjoncture. À l'inverse, les banques ont continué d'octroyer des crédits à des taux attractifs parce qu'elles ont vécu sous perfusion de la BCE qui a injecté massivement des liquidités sur le marché interbancaire. Néanmoins, depuis juillet 2022, on sait que la politique monétaire a pris une autre direction. La BCE veut lutter contre l'inflation et elle vise à renchérir le coût de l'argent. Les banques vont être amenées à augmenter leurs taux d'intérêt et les ajuster au taux directeur de la BCE.

Aurélie Picosson : La progression du financement des entreprises françaises va ralentir ?

Stéphanie Villers : Pas pour le moment, les derniers indicateurs de crédit montrent la poursuite d'une belle dynamique. En septembre 2022, la progression du financement des entreprises a atteint près de 5 % en rythme annuel, avec une croissance des crédits bancaires qui restait extrêmement tonique, près de 8 %. En revanche, ce sont les financements de marché qui ont reculé très légèrement à 0,4 %.

Aurélie Picosson : Depuis une quinzaine d'années, la France connaît une accélération de la désintermédiation bancaire avec l'arrivée de nouveaux acteurs financiers permettant aux entreprises de se financer directement auprès d'investisseurs privés sans avoir à se tourner vers le secteur bancaire. Comment expliquer cette nouvelle tendance ?

Stéphanie Villers :  La mise en place de règles prudentielles de plus en plus contraignantes est venue freiner la capacité des banques dans la prise de risque. La crise des subprimes de 2008, qui a déstabilisé durablement le système bancaire, a obligé la réglementation bancaire, Bâle trois, à durcir les conditions d'octroi de crédit. Les banques doivent dégager davantage de fonds propres, ce qui limite leur activité de prêts. C'est pourquoi le monopole bancaire s'est peu à peu estompé. Puis il a laissé émerger d'autres acteurs pour apporter des solutions à la fois plus innovantes et plus flexibles, notamment à travers les fonds de dettes privés.

Aurélie Picosson : Comment ils fonctionnent, ces fonds de dettes privées ?

Stéphanie Villers :  Ces fonds de dettes privées appartiennent aux organismes de fonds spécialisés qui ont été créés en 2018. Ces organismes peuvent octroyer tout type de prêts aux entreprises dans le cadre défini au niveau européen. Ces fonds sont plus souples et plus réactifs que le secteur bancaire traditionnel et ils peuvent apporter de vraies solutions, plus en phase avec le besoin spécifique des entreprises. Ça permet d'élargir le spectre des opérations de financement, tant du côté de l'actif, parce qu'on peut prêter désormais sous toutes ses formes possibles et partout en Europe, et aussi du côté passif puisqu'on peut attirer des investisseurs français, mais aussi des investisseurs internationaux.

Aurélie Picosson : Ces fonds sont aussi une option pour les entreprises n'ayant pas accès au marché de la dette obligataire ?

Stéphanie Villers : Oui, le marché obligataire est quasiment exclusivement réservé aux grandes entreprises. Ces fonds d'aide privés offrent une vraie alternative aux PME et ETI qui ont besoin d'emprunter. On peut imaginer qu'avec cette conjoncture incertaine, les fonds d'aide privés se développent plus massivement pour répondre aux besoins des entreprises. Leur appétence pour le risque est plus élevée que celle des banques, mais leur financement reste plus cher que celui des crédits bancaires classiques. Ces acteurs offrent des solutions sur mesure en fonction des besoins des entreprises, notamment les entreprises qui sont en difficulté ou celles qui ont du mal à convaincre les acteurs traditionnels qui sont plus frileux.

Aurélie Picosson : Avec l'augmentation des taux d'intérêt, les fonds de dettes privées vont-ils toujours réussir à lever des fonds auprès des banques ou des caisses de retraite ?

Stéphanie Villers : Oui, ça reste vraiment une incertitude. Il est vrai que les investisseurs institutionnels, c'est-à-dire les banques, les caisses de retraite, les mutuelles, s'étaient tournés vers la dette privée en apportant leurs capitaux parce qu'ils voulaient obtenir des rendements plus élevés. Je vous rappelle que pendant une longue période, les taux de marché étaient à des niveaux extrêmement faibles. Aujourd'hui, la donne a changé parce qu'on est dans un contexte de hausse des taux. La question, c'est est-ce que les investisseurs institutionnels ne vont pas préférer réallouer ces encours vers des placements moins risqués ?

Aurélie Picosson : Va-t-on, grâce au développement de ces fonds de dette privés, vers une désintermédiation bancaire à l'américaine ?

Stéphanie Villers : Oui, il reste des marges de progression non négligeables pour accroître les options de financement des firmes françaises. Par exemple, aux États-Unis, les entreprises empruntent à plus de 80 % sur les marchés financiers, et les banques ne financent qu'à peine 20 % de leurs emprunts. Pourtant, en France, on dispose d'une épargne colossale. Les ménages enregistrent un des taux d'épargne les plus élevés au monde, plus de 15 % de leur revenu disponible brut est mis de côté. L'épargne totale des Français atteint plus de 5 000 milliards d'euros hors immobilier, soit environ deux fois notre dette nationale. Les deux tiers de cette épargne stagnent sur les comptes bancaires ou sont placés en épargne dite réglementée, c'est-à-dire l'assurance-vie ou les livrets d'épargne. C'est une épargne qui est très peu rémunérée. Il conviendrait, à terme, de mieux flécher cette manne pour l'orienter en partie vers le financement des entreprises françaises. La loi Pacte de 2017 vise cet objectif, mais il reste à transformer l'essai sur le long terme. Il faudrait créer des supports de placements plus adaptés au grand public pour drainer cette épargne vers le financement des entreprises.

Aurélie Picosson : Avec autant d'épargne des Français, cela semble rassurant pour le financement des entreprises à long terme, mais à court terme, peut-on dire que la France va éviter le mur de la dette ?

Stéphanie Villers :  Le marché de la dette a évolué depuis une quinzaine d'années. Il répond mieux aux besoins grandissants du financement de l'économie. Au-delà des incertitudes conjoncturelles, il semble que les enseignements des deux crises financières de 2008 et de 2012 aient été tirées. Aujourd'hui, de nombreuses options sont à la disposition des entreprises. Il reste quand même à développer l'accès aux marchés financiers pour les PME et ETI. Il serait souhaitable d'orienter l'épargne colossale des Français vers le financement de ces entreprises. On observe néanmoins un alignement des intérêts entre prêteurs et emprunteurs. La négociation est devenue la pierre angulaire dans cette relation pour éviter au maximum le risque de défaut de paiement. N'oublions pas non plus que les banques centrales veillent au grain pour échapper à tout prix à une crise systémique.

Aurélie PicossonMerci beaucoup Stéphanie pour cet éclairage. Merci à tous pour votre écoute et rendez-vous dans un mois pour le prochain décryptage.

En dépit d’une conjoncture dégradée et incertaine, les investissements résistent

L’incertitude nourrie par un contexte géopolitique tendu sur fond de crise énergétique est venue entacher le climat des affaires. Les problèmes liés à la progression des coûts de production à travers la flambée de la facture énergétique pèsent sur l’activité industrielle. Les industries les plus énergivores ont dû, dans certains cas, réduire leur production, voire l’arrêter temporairement, pour maintenir leur rentabilité. 

Même si les difficultés d’approvisionnement semblent s’atténuer, les perspectives économiques se dégradent. Le FMI table sur une croissance mondiale en baisse à 2,7 % en 2023 contre 3,2 % en 2022. La zone euro, impactée par les conséquences économiques de la guerre en Ukraine, a vu ses prévisions de croissance marquer le pas, avec une croissance passant de 3,1 % en 2022 à 0,5 % en 2023. Les prévisions pour la France ont de même été abaissées, avec une hausse du PIB de 2,5 % cette année puis de 0,7 % l’an prochain.

Déjà, le troisième trimestre 2022 a été décevant. La croissance a ralenti à 0,2 % par rapport au trimestre précédent, contre 0,5 % au deuxième trimestre 2022. La consommation privée stagne et met en exergue l’inquiétude grandissante des ménages face à la baisse de leur pouvoir d’achat. Sur 2022, l’INSEE prévoit un recul de 0,5 % de ce dernier. Rappelons que les dépenses des ménages demeurent le moteur de la croissance française.

Face à une dégradation de la conjoncture, les Français privilégient l’épargne au détriment de la consommation.

Les entreprises poursuivent leurs investissements de long terme

En revanche, l’investissement global (ménages, entreprises, État) est resté dynamique, progressant de 1,3 % au troisième trimestre 2022. Il a été porté par les entreprises. Leur investissement a accéléré sur la même période de +2,3 %, prolongeant ainsi la relative dynamique constatée en début d’année (+0,4 % au premier trimestre, +0,8 % au second trimestre). 

Ce dynamisme s’explique en partie par la vigueur de l’investissement en produits manufacturés (+3,5 %), en particulier dans le matériel de transport (+12,4 %). À noter par ailleurs une progression notable dans l’investissement en technologies de l’ information et de communication (+3 %).

 

+2,3 % de l’investissement des entreprises au 3e trimestre 2022

Nouvelles technologies et ESG :  fer de lance de l’investissement 

Ainsi, les entreprises restent engagées sur les défis de long terme en dépit du contexte conjoncturel dégradé. Les investissements se font à la fois à travers l’acquisition d’outils de production et par des opérations de croissance externe (acquisitions d’entreprises). 

Selon l’étude Global M&A Industry Trends 2022 de PwC, les facteurs qui ont soutenu l’investissement à travers les rapprochements d’entreprises se concentrent autour du renforcement des compétences sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) et, surtout, l’acquisition de nouvelles technologies. 

En dépit d’une plus grande volatilité des marchés financiers conduite par la progression des taux d’intérêt, les projets d’investissement se poursuivent. Les firmes françaises, conscientes de la nécessité de moderniser leur appareil productif en particulier dans le numérique, ont continué d’investir alors même que les conditions de financement commencent à se durcir. 

De même, les facteurs ESG deviennent incontournables et guident des projets d’acquisitions. Les critères ESG sont pris en compte désormais en amont du processus de M&A, dès l’identification des cibles et l’analyse des opportunités. 

La dernière enquête DFCG-PwC publiée en novembre 2022 sur les priorités 2023 des directions financières démontre que 73 % de ces dernières prévoient de faire évoluer en moins de trois ans leur modèle de pilotage pour intégrer les facteurs de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). 

L’étude La parole aux fournisseurs élaborée conjointement par Bpifrance, l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprise (Orse) et PwC France et Maghreb montre que 48 % des entreprises témoignent d’une accélération de la structuration de leur démarche RSE également dans leur relation clients/fournisseurs, et 58 % des firmes déclarent avoir nommé un interlocuteur dédié aux enjeux de responsabilité sociétale.

Les priorités RSE orientent les entreprises vers de nouveaux investissements pour l’acquisition de nouveaux outils ou de compétences.

Enfin, un tiers des entreprises cotées en France ont pris des engagements de neutralité carbone (presque le double de 2020). Leurs stratégies d’acquisition peuvent aussi permettre de répondre à cet objectif. À l’inverse, acquérir une cible très carbonée aura un effet dilutif. Il en va de même des autres objectifs ESG, comme la proportion de femmes dans les comités de direction. 

À noter que ces opérations de M&A réalisées en période de récession ou sur des marchés difficiles sont souvent les plus fructueuses. Une analyse de PwC a révélé de meilleurs rendements pour les acheteurs en période de ralentissement économique et montre comment les opérations lancées pendant ces périodes peuvent se traduire en une croissance record. 

Néanmoins, la progression actuelle des taux qui vient renchérir le coût des investissements risque de contraindre les projets à terme, d’autant que le niveau élevé d’endettement des entreprises françaises demeure un facteur d’inquiétude et laisse craindre une augmentation du taux de défaut.

⅓ des entreprises cotées en France sont engagées dans la neutralité carbone

L’endettement des entreprises françaises : une inquiétude grandissante, un risque maîtrisable ? 

En France, le niveau d’endettement des entreprises est plus élevé que dans la plupart des pays occidentaux. Selon les chiffres de la Banque de France, l’endettement atteint en mars 2022 81,7 % du PIB, bien au-dessus des États-Unis (51,5 %), de l’Allemagne (50,8 %) ou encore du Royaume-Uni (53,8 %). La France fait face à un mur de la dette particulièrement inquiétant.

Un taux d’endettement des entreprises élevé mais une dette nette stable

Ce taux élevé d’endettement des entreprises a été favorisé par deux facteurs : d’une part, des taux d’intérêt historiquement faibles et d’autre part, une liquidité abondante rendue possible par l’action de la Banque centrale européenne (BCE). 

En résumé, le financement de l’économie a traversé une phase sans contrainte jusqu’en février 2022, date du déclenchement de la guerre en Ukraine. La Banque de France rappelle en effet que les taux d’intérêt restaient proches de 1,2 % pour les crédits bancaires et de 0,8 % pour les financements de marché accordés fin 2021. Les taux français ont été, par ailleurs, inférieurs à la moyenne observée dans la zone euro en 2021. 

En revanche, les prêts garantis à 90 % par l’État (PGE), qui ont permis pendant la crise sanitaire à près de 700 000 entreprises d’obtenir des prêts à des taux proches de zéro pour un montant total de 150 milliards d’euros, vont devoir peu à peu être remboursés avec une date butoir en 2025. Certaines entreprises, celles en difficultés financières, risquent d’être dans l’incapacité de refinancer leur dette compte tenu de la hausse de taux d’intérêt. 

Pour autant, face à la menace d’augmentation du taux de défaut, la Banque de France se veut confiante. Selon ses estimations, la dette nette (solde entre la dette et la trésorerie) n’a quasiment pas progressé en pourcentage du PIB par rapport à la période d’avant crise à 41,4 % fin 2021, contre 40,6 % fin 2019. Peu d’entreprises sont actuellement obligées de rééchelonner leurs dettes.

81,1 % du PIB : l’endettement des entreprises en France

La fin de l’argent magique 

Néanmoins, le risque de faillites en chaîne ne peut être totalement écarté si le contexte conjoncturel continuait de se dégrader durablement. Si ce scénario récessif se réalisait, certains seraient tentés de réclamer l’annulation des PGE. Mais est-il envisageable de créer un effet d’aubaine rétroactif ? Pour ceux qui ont déjà remboursé leur prêt ou ceux qui n’ont pas eu recours à cet avantage et qui ont dû puiser dans leur trésorerie, envisager d’annuler les PGE des autres entreprises paraîtra à juste titre inéquitable. 

Mais au-delà de cette notion d’équité, demeure une réalité encore moins discutable. La parenthèse inédite où l’argent public coulait à flots s’est refermée. Aujourd’hui, Christine Lagarde, la Présidente de la BCE, a été claire sur la nécessité de lutter contre l’inflation. Il va falloir affronter une nouvelle ère où les dettes se remboursent, les taux d’intérêt augmentent et où le « quoiqu’il en coûte » n’est plus financé par la BCE.

Rappelons que la période Covid-19 a débouché sur un accroissement de la dette publique en Europe et en France notamment. Celle-ci est passée de 98 % du PIB de la France en 2019 à près de 112 % aujourd’hui. Ce surplus d’endettement public a pu être financé par la BCE, qui a racheté quasiment l’ensemble des dettes émises par les États membres pendant la période Covid-19.

Désormais, sans le soutien monétaire de la BCE, la France va devoir compter exclusivement sur les investisseurs privés.

Or, les marchés financiers peuvent décider de se détourner de la dette française si la dégradation des comptes publics se poursuit, avec comme conséquence immédiate une hausse inquiétante des taux d’intérêt – à l’instar de ce qui s’est produit en octobre dernier au Royaume Uni, lors de la présentation du budget par la Première ministre Liz Truss. 

La poursuite des dérives budgétaires de la France risque, de même, de heurter la rigueur germanique. L’Allemagne a bien lancé, de son côté, un plan de soutien de près de 200 milliards d’euros en 2023, mais elle dispose de marges budgétaires suffisantes avec une dette publique proche de 70 % du PIB. Cette politique de relance outre-Rhin fait déjà grincer des dents du côté des partenaires européens, qui dénoncent une concurrence déloyale. Néanmoins, force est d’admettre que l’Allemagne, moins dispendieuse que ses voisins méditerranéens, peut se permettre aujourd’hui de dépenser davantage et que finalement il vaut mieux pour tous que la première puissance européenne évite de sombrer en récession.

Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que le Pacte de stabilité et de croissance (PSC), qui a été temporairement suspendu depuis la crise Covid-19, est en cours de renégociation. Le 9 novembre 2022, la Commission européenne a présenté son projet de réforme. Ce dernier maintient les plafonds de dette (60 % du PIB) et de déficit public (3 % du PIB), mais il prévoit cependant des périodes de quatre à sept ans pour les atteindre et des plans de réformes plus adaptés à la situation particulière de chaque État membre. Les sanctions, moins lourdes, seraient en revanche appliquées plus efficacement qu’aujourd’hui. 

Cette réforme, si elle est acceptée, devrait être mise en œuvre avant les processus budgétaires des États membres pour 2024. Ainsi, si le pragmatisme semble avoir remplacé une certaine forme de dogmatisme discutable, la rigueur budgétaire n’a pas été remise en cause et demeure la pierre angulaire du bon fonctionnement de la zone euro.

Quelles options de financement pour les entreprises ? 

L’emprunt bancaire constitue la principale source de financement pour les entreprises françaises. Il représente les deux tiers de leur endettement financier. 

Mais la mise en place de règles prudentielles de plus en plus contraignantes est venue freiner la capacité des banques dans la prise de risque. La crise des subprimes de 2008, qui a déstabilisé durablement le système bancaire, a obligé la réglementation bancaire (Bâle III) à durcir les conditions d’octroi de crédits. Les banques doivent désormais dégager davantage de fonds propres, limitant ainsi leur activité de prêts.

En conséquence, le monopole bancaire s’est peu à peu estompé, laissant émerger d’autres acteurs pour apporter des solutions innovantes plus flexibles, notamment à travers les fonds de dette privée.

La dette bancaire : le financement le moins cher…pour le moment

Les derniers indicateurs de crédits montrent la poursuite d’une belle dynamique. En septembre 2022, la progression du financement des entreprises en France s'établit à +4,9 % en rythme annuel. La croissance annuelle des crédits bancaires reste tonique à +7,9 %, après +7,2 % en août. En revanche, les financements de marché reculent très légèrement (0,4 %). Le coût moyen des financements des sociétés poursuit sa progression pour atteindre 2,72 % en septembre, sous l'effet de la hausse des taux de marché.

+4,9 % : progression sur un an du financement des entreprises en France

En effet, on observe un écart grandissant entre le coût moyen des crédits bancaires, qui reste inférieur à 2 %, et celui par les financements de marché proche de 4,5 %. Les marchés financiers ont intégré une prime de risque plus élevée compte tenu de la montée des incertitudes et de la dégradation de la conjoncture. Ainsi, l’ensemble des investisseurs cherche à répondre aujourd’hui à cette question : Quel est le rendement approprié face au risque engagé dans un contexte de hausse des niveaux de prix ? L’augmentation graduelle des taux de marché observée depuis le début 2022 apporte un début de réponse et cette tendance devrait se confirmer en 2023. 

Les banques ont continué d’octroyer jusqu’à présent des crédits à des taux attractifs, stimulées par la liquidité massive injectée sur le marché interbancaire par le dispositif targeted longer-term refinancing operations (TLTRO) de la BCE. Néanmoins, la politique monétaire prend depuis juillet 2022 une autre direction, visant en renchérir « le coût de l’argent ». Les banques vont être amenées à resserrer leurs taux et les ajuster aux taux directeurs de la BCE.

La désintermédiation bancaire s’accélère avec l’arrivée de nouveaux partenaires financiers

Depuis une quinzaine d'années, la France a connu une accélération de la désintermédiation bancaire avec l’arrivée de nouveaux partenaires financiers permettant aux entreprises de se financer directement auprès d’investisseurs privés sans avoir à se tourner vers le secteur bancaire.

 


Le marché obligataire : le marché de la dette cotée destiné aux grandes entreprises 

Le marché obligataire (fixed income) demeure une véritable alternative pour les grands groupes à la recherche de financements de taille importante. Une centaine de grandes entreprises françaises (Airbus, Engie, LVMH, Orange, Sanofi, Unibail, etc.) se financent directement sur ce marché qui permet des levées de capitaux conséquentes, à partir de 300 millions d’euros. 

Un marché plus petit (high yield) destiné aux ETI et aux grandes entreprises considérées comme plus risquées (environ 50 firmes françaises) offre pour les investisseurs des taux de rendements plus élevés, à la hauteur du risque. 

Pour ces deux marchés, la hausse des taux a accompagné la progression des primes de risque. Les investisseurs institutionnels qui interviennent sur ces segments de la dette cotée se montrent plus prudents désormais. Le manque de visibilité sur la performance des entreprises dans un contexte géopolitique et économique incertain freine l’appétit des investisseurs, qui réclament de facto des rendements plus élevés.
 

Il demeure néanmoins des marges de progression non négligeable pour accroître les options de financement des firmes françaises. En effet, aux États-Unis, les entreprises empruntent à plus de 80 % sur les marchés financiers et les banques ne financent qu’à peine 20 % de leurs emprunts. 

Or, la France dispose d’une épargne colossale. Les ménages enregistrent un des taux d’épargne les plus élevés au monde (plus de 15 % de leur revenu disponible brut). L’épargne totale des Français atteint plus de 5 000 milliards d’euros (hors immobilier), soit environ deux fois notre dette nationale. 

Les deux tiers de l’épargne des Français se concentrent sur les comptes bancaires, ou sont placés en épargne dite réglementée (assurance-vie, livret d’épargne). C’est une épargne qui est peu rémunérée. Il convient donc à terme de mieux flécher cette manne et de l’orienter en partie vers le financement des entreprises en France. La loi PACTE de 2017 vise cet objectif mais il reste à transformer l’essai sur le long terme. Des supports de placement adaptés au grand public doivent être créés pour drainer l’épargne, permettant ainsi d’accompagner le défi de long terme de réindustrialisation et de transition écologique.

Les fonds de dette privée, une option innovante à développer pour le financement des entreprises

L’incertitude liée aux comportements des agents face à une accumulation de crises – crise sanitaire, crise énergétique, crise économique – relativement inédites rend les projections nébuleuses. L’exercice de valorisation d’une entreprise devient en effet un exercice délicat compte tenu du manque de visibilité sur les résultats futurs. Par conséquent, les acteurs financiers traditionnels accroissent leur aversion au risque. Les banques restent peu sensibles au ratio rendement/risque et sont davantage tournées vers les contraintes réglementaires.

Face à ce risque croissant, les fonds de dettes privées, plus souples et plus réactifs, peuvent apporter des solutions plus en phase avec le besoin spécifique des entreprises. Ces fonds de dette privée appartenant aux organismes de fonds spécialisés (OFS, créés en 2018) peuvent octroyer tous types de prêts dans le cadre européen de la directive Alternative Investment Fund Manager (AIFM). 

Cela permet d’élargir le spectre des opérations de financement tant du côté de l’actif (prêter sous toutes les formes possibles et partout en Europe) que du côté passif (attirer des investisseurs français et internationaux). Enfin, les financements directs via des fonds de dette privée (non cotée) offrent une alternative aux emprunteurs, qui n’ont pas accès au marché de la dette obligataire, quasi-exclusivement réservé aux grandes entreprises.

La vitesse à laquelle ces prêteurs directs peuvent engager des capitaux par rapport au marché syndiqué constitue un vrai avantage pour les emprunteurs qui font face à un besoin de financement croissant. Cette réactivité a conduit les prêts directs à devenir une alternative incontournable pour les activités de rachat et un pilier du paysage des fusions et acquisitions. 

Ainsi, en cette conjoncture incertaine, les fonds de dette privée pourraient asseoir leur place grandissante dans le financement des entreprises. Leur appétence pour le risque vient compléter l’offre de prêt. Ces acteurs, qui ont la capacité d’offrir une solution sur-mesure en fonction des besoins de l'entreprise, vont avoir un vrai rôle pour accompagner le besoin de financement des entreprises en difficulté ou celles qui ont du mal à convaincre les acteurs traditionnels, plus frileux.

Reste néanmoins une inquiétude, la capacité à lever des fonds auprès des investisseurs institutionnels  (banques, assurances, caisses de retraites, mutuelles, etc.) dans un contexte de hausse des taux d’intérêt. Les investisseurs institutionnels, qui étaient auparavant à la recherche de rendements plus élevés compte tenu des taux très faibles offerts par les marchés, s’étaient tournés vers la dette privée. Aujourd’hui, la donne a changé. Les liquidités pourraient désormais se détourner pour être réinvesties sur des placements plus sûrs. 

Au-delà de toutes ces incertitudes, une ligne directrice semble avoir émergé à la faveur des enseignements tirés des deux crises financières de 2008 et de 2012. Le marché de la dette a évolué depuis une quinzaine d’années en s’adaptant au besoin grandissant de financement de l’économie. 

Aujourd’hui, de nombreuses options sont à la disposition des entreprises. L’innovation financière, en permanence renouvelée, devrait permettre de trouver in fine les réponses adéquates pour empêcher une crise systémique.

Par ailleurs, on observe un alignement des intérêts entre prêteurs et emprunteurs. La négociation est devenue la pierre angulaire dans cette relation pour éviter le risque de défaut de paiement.

Téléchargez le Décryptage

Mur de la dette, hausse des taux d’intérêt : quelles options pour financer les entreprises françaises ?

Suivez-nous !

Contactez-nous

Marion de Lasteyrie

Marion de Lasteyrie

Directrice Relations Extérieures et Communication, PwC France et Maghreb

Masquer