Femmes et entreprises : la charte #JamaisSansElles

Un outil de visibilité et de gouvernance

Si aujourd'hui les photos 100% masculines de dirigeants ne passent plus inaperçues, c’est aussi grâce à #JamaisSansElles. Le hashtag, lancé en 2016 en réaction à un panel entièrement masculin lors d’une conférence du numérique à l’Élysée, et l’association, fondée quelques semaines plus tard, offrent des solutions pragmatiques pour remédier au manque de diversité en entreprise comme dans les établissements publics.

Après un an de travail, PwC France et Maghreb a rejoint en janvier 2023 les entreprises signataires de la charte #JamaisSansElles. Pauline Adam-Kalfon, associée responsable Inclusion et Diversité de PwC France et Maghreb, revient sur les raisons et les modalités de cet engagement.

Natacha Quester-Séméon, directrice générale et porte-parole de #JamaisSansElles, explique quant à elle la philosophie des chartes #JamaisSansElles co-construites avec un nombre croissant d’organisations, ainsi que les bénéfices tangibles qui découlent de leur déploiement.

À quels enjeux l’association #JamaisSansElles répond-elle ?

Natacha Quester-Séméon - #JamaisSansElles est un mouvement aspirationnel né de la volonté d’agir en faveur de la mixité, proposant au départ aux dirigeants masculins de s’engager pour faire en sorte que les femmes ne soient plus sous-représentées dans les événements publics comme dans les organes de direction. L’originalité de notre mouvement est d’avoir été fondé par trois femmes - Tatiana F-Salomon, Laurence Parisot et moi-même - et une vingtaine de dirigeants masculins, tous membres du Club des gentlemen, un groupe d’entrepreneurs et de personnalités du numérique.

Signe que la société veut un changement, #JamaisSansElles est devenu le quatrième hashtag le plus marquant pour un mouvement collectif depuis 2015 sur Twitter en France, il a une très importante audience. Depuis des années, il est utilisé quotidiennement et est devenu le hashtag de référence pour l’égalité femmes-hommes et l’égalité professionnelle.

Pour que le changement soit effectif et briser le plafond de verre, #JamaisSansElles s’attaque de front à deux enjeux : la visibilité des femmes et la gouvernance partagée. Avec pragmatisme, l’association propose des actions concrètes pour promouvoir l'égale participation et visibilité des femmes dans les instances de décision comme aux postes de responsabilité et de représentation. Ces actions sont formalisées dans une charte qui propose des engagements individuels et collectifs. Les actions fonctionnent car elles sont impulsées par le ou la PDG et les directions des entreprises qui s’impliquent pleinement et mobilisent à leur tour leurs équipes.

La mixité (dans les deux sens, car certains métiers ou fonctions sont hyper féminisés), initie un cercle vertueux. Souvent, un déclic s'opère quand les dirigeants prennent conscience de ce que l’entreprise gagne à être plus diverse, notamment en termes d’attractivité et de performance et aussi d’équilibre.

Pauline Adam-Kalfon - Le lien entre équité de genre et performance est aujourd'hui très clair pour les organisations. Plus de diversité (dans toutes ses dimensions) apporte plus de richesse de points de vue, plus de pertinence dans les orientations de l’entreprise et dans les prises de décision, et donc de meilleurs résultats.

Comment la charte #JamaisSansElles se déploie-t-elle dans des organisations de toutes tailles et de tous secteurs ?

Natacha Quester-Séméon - Pour être exact, il n’existe pas une charte mais des chartes, que #JamaisSansElles développe en partenariat avec les organisations qui s’adressent à nous. Il ne s’agit pas de déclarations d’intentions, mais bien d’engagements concrets, d’objectifs à la fois ambitieux et réalisables, associés à des outils que les signataires développement pour en assurer le suivi.

Les 15 chartes #JamaisSansElles signées à ce jour sont l’aboutissement d’un travail de co-construction. Il faut plusieurs mois de travail pour formaliser une charte. Pierre angulaire de toutes les chartes , l'article 1 est immuable : l’engagement individuel et collectif de ne participer à aucun évènement public sans participation d’aucune femme.

Les articles suivants varient selon les organisations, y compris dans leur périmètre d’application. Par exemple, chez BNP Paribas, la charte couvre les prises de parole des dirigeants dans l'ensemble des filiales en France et à l’étranger. Tout le groupe est engagé.

Nous demandons en outre que tous les partenaires prévoient de communiquer sur certains indicateurs d’égalité femmes-hommes, car il ne faut pas sous-estimer les vertus de la transparence en interne et en externe.

Avec la signature d'engagements, #JamaisSansElles vise à créer une dynamique de moyen voire de long terme. La charte fournit, outre les engagements, un mode d’emploi, avec des actions prévues dans le temps : sensibilisation, communication régulière pour ne pas perdre de vue les objectifs, enquête d’impact, reporting… Rien d’automatique, chaque année de mise en œuvre de la charte est différente. Cette souplesse est garante de l’adhésion du plus grand nombre. Ainsi une communauté de collaborateurs engagés se constitue dans chaque entreprise.

Qu’entend #JamaisSansElles par “gouvernance partagée” ?

Natacha Quester-Séméon - #JamaisSansElles ne prône pas de quotas et refuse l’emploi de femmes alibis. Les femmes doivent gagner en visibilité par leur accession à des postes de responsabilité et leur inclusion dans les organes de décision : c’est ce que nous entendons par gouvernance partagée. Nous voulons briser le plafond de verre.

Pour y parvenir, notre démarche est d’expliquer la nécessité à la fois d’une visibilité et d’une gouvernance équitables. Cela déclenche des réflexions sur le fond, sur le pourquoi des déséquilibres et sur le comment. Les actions à engager concernent largement les ressources humaines puisqu’il est question de rétention et de recrutement (les collaborateurs nouveaux arrivants aspirent à plus d’équité), d’équilibre vie personnelle / vie professionnelle, mais aussi d’attractivité de certains métiers (dès la formation, notamment dans les écoles d’ingénieurs). Ce travail global de transformation nécessite d'approfondir de nombreux sujets connexes à l’égalité femmes – hommes et aussi de lutter aussi les biais et les stéréotypes de genre dès le collège et le lycée pour favoriser une meilleure réussite des filles.

Comment l’engagement de PwC France et Maghreb auprès de #JamaisSansElles s’inscrit-il dans la vision stratégique de la firme ?

Pauline Adam-Kalfon - Notre feuille de route Co-Créer2025 fait de l’équité femmes-hommes l'un des marqueurs sociétaux de la firme. Nous nous réjouissons désormais de disposer d’un outil concret pour faire avancer la représentativité des femmes dans l’espace public et dans notre firme. Un travail de fond de plusieurs mois a précédé la signature de la charte #JamaisSansElles pour définir un engagement ambitieux et cohérent avec la représentativité des femmes dans nos différents métiers.

Par cette signature, nous sommes fiers de nous obliger à faire progresser la représentativité des femmes dans l’espace public et dans nos instances. Nous sommes d’autant plus fiers de cette étape importante dans notre cheminement vers plus d’équité professionnelle que nous sommes le premier acteur de notre industrie à rejoindre le mouvement #JamaisSansElles.

Quel engagement la charte #JamaisSansElles porte-t-elle chez PwC France et Maghreb ?

Pauline Adam-Kalfon - Concrètement, l’engagement pris par les membres du comité de direction de PwC France et Maghreb, premiers signataires de la charte #JamaisSansElles, se traduit de trois manières :

  • En interne, ne participer qu’à des événements incluant au moins une femme, à partir de trois intervenants ;
  • En externe, ne prendre la parole publiquement (tribunes, tables rondes, panels, jurys) qu’à la condition qu’une femme a minima soit présente, à partir de trois intervenants ;
  • Chez les clients, veiller à ce que nos soutenances comprennent au moins une associée ou collaboratrice de PwC, à partir de cinq représentants de PwC.

La signature de la charte #JamaisSansElles en janvier 2023 par les membres du Comité de direction de PwC France et Maghreb n’est que la première étape d’un processus, puisque l’engagement s’étendra ensuite progressivement à l’ensemble des plus de 375 associés du cabinet.

Cet engagement oblige en premier lieu chaque signataire à titre individuel, avec l’adoption d’une posture d’ambassadeur des valeurs partagées par PwC France et Maghreb et #JamaisSansElles en faveur de l’équité femmes - hommes. Il a également une portée plus large, puisqu’il sous-entend la responsabilité collective et l’exemplarité de l’ensemble de nos associés et collaborateurs.

Pour en savoir plus : #JamaisSansElles, renforcer l’engagement en faveur de l’équité professionnelle

Que se passe-t-il si un signataire PwC de la charte #JamaisSansElles est sollicité pour un panel non mixte ?

Pauline Adam-Kalfon - En cas de sollicitation de prise de parole au sein d’un panel non mixte, PwC France et Maghreb proposera des femmes que l’on estime légitimes à se joindre au panel. Les talents féminins sont nombreux chez PwC comme dans nos carnets d’adresses !

Nous pouvons aussi décliner l’invitation, en faisant connaître l’importance de notre engagement auprès de #JamaisSansElles. Dire à l’organisateur d’un événement “Désolé, je ne participerai pas à cet événement car il n’y a que des hommes autour de la table”, ce n’est pas anodin. C’est interpeller, chercher à faire bouger les lignes et accélérer le changement culturel vis-à-vis de la mixité.

Quels changements l’association observe-t-elle dans les organisations signataires ?

Natacha Quester-Séméon - Chez les entreprises partenaires, qui se donnent des ambitions plus élevées que les critères imposés par le cadre législatif, nous observons une véritable volonté de se transformer. Cela implique un changement de mentalité, un changement de comportement.

Cela ne se fait pas dans l’imposition, mais dans l'échange, l’écoute, la pédagogie et le respect réciproque.  #JamaisSansElles aborde la question de l’égalité femmes-hommes comme une bataille culturelle - le féminisme est un humanisme - qui nécessite un espace de débat pour remporter l’adhésion unanime d’un comité de direction, puis qui se gagne à coups d’actions concrètes qui, peu à peu, changeront les mentalités.

La mise en œuvre d’actions concrètes produit des effets de levier au sein des organisations, où des mouvements internes se mettent en place et la mixité progresse. C’est ce que nous voyons dans des entreprises comme Microsoft France, qui a été la première à signer la charte, il y a cinq ans, et continue de déployer des actions phasées dans le temps : sensibilisation, élargissement à d’autres groupes de managers et cette année ouverture de la signature de la chartre #JamaisSansElles a tous les collaborateurs de l’entreprise, etc.

En 2018, la charte de Microsoft France a été portée par Carlo Purassanta, son PDG. En quelques années, il a réussi à féminiser les cercles dirigeants, son Comité exécutif passant de 35% de femmes en 2018 à 54% cinq ans plus tard. Corine de Bilbao, qui lui succède, est la première femme à diriger l’entreprise !

Chez BNP Paribas, qui compte 700 membres signataires dans le monde (dont plusieurs au Comité exécutif), les habitudes des dirigeants commencent à changer en profondeur. Très engagé, Jean-Laurent Bonnafé, Administrateur Directeur général du groupe, donne l’exemple !

Nous voyons également que les approches évoluent au fur et à mesure des travaux et des échanges avec les divers partenaires.

Combien d’entreprises ou établissement publics ont à ce jour signé une charte #JamaisSansElles ?

Natacha Quester-Séméon - En 2016, des acteurs incontournables du numérique ont signé et lancé l’appel #JamaisSansElles, publié dans Le Point, souhaitant voir davantage de femmes intervenir dans les manifestations publiques. Nous étions 30.

Depuis, plus d’une dizaine d’organisations, soit 1 200 signataires individuels, ont rejoint le mouvement. En France et dans une cinquantaine de pays, cela représente des entrepreneurs, dirigeants, acteurs du numérique et personnalités politiques, dont les PDG et membres de sept comités exécutifs d’entreprise, mais aussi des ambassadeurs, des députés, des journalistes, et trois administrations (ministères de l'Éducation, de l'Économie et des Finances, de l'Intérieur).

Comment chacun - homme ou femme - peut-il faire avancer l’équité de genre en entreprise ?

Natacha Quester-Séméon - La plupart des dirigeants sont aujourd’hui des hommes. Dans les organisations signataires, les hommes incarnent l’engagement pris avec #JamaisSansElles. Le fait qu’ils agissent en faveur de la mixité change la perspective et rend la charte plus effective. Ils sont les vecteurs du message, s’en font les ambassadeurs. Chacun peut donc être un acteur du changement.

Les femmes doivent aussi jouer le jeu en acquérant les techniques de prise de parole qui doivent être maîtrisées pour intervenir en public, mais aussi en cultivant leurs réseaux et en faisant de la place dans leur agenda pour accroître leur visibilité, sortir du syndrôme de l’imposteur. Les femmes vont être de plus en plus sollicitées, elles doivent s’y préparer.

En dehors des partenaires signataires, #JamaisSansElles travaille aussi avec les organisateurs d’événements, qui ont à faire un gros travail de sourcing pour élargir et féminiser leurs carnets d’adresses d’intervenants, ainsi que les médias qui font des efforts également en ce sens.

Pauline Adam-Kalfon - Chez PwC France et Maghreb, nous avons développé depuis plusieurs années Seed, notre programme dédié à l'équité professionnelle femmes - hommes. Seed propose aux femmes un accompagnement de leur chemin de carrière avec cinq champs d'actions : le mentorat, sachant qu’aujourd'hui 50% des mentors sont des hommes, la formation, le networking, les rencontres inspirantes ainsi que l’accompagnement de Key Talents féminins par les équipes de direction. 

Quels sont les nouveaux axes de travail de #JamaisSansElles ?

Natacha Quester-Séméon - Nous sommes fiers de contribuer au changement dans les organisations mais aussi dans la réglementation. Par exemple, la loi Rixain pour accélérer la participation des femmes à la vie économique et professionnelle s’est en partie inspirée de notre initiative. Du soft power au soft law en somme !

Maintenant que nous avons cinq ans de recul et de retours d’expérience des chartes, nous nous attelons à la rédaction d’un référentiel. Nous constatons en effet que, quels que soient le secteur et la taille de l’organisation, les freins et les leviers restent sensiblement les mêmes. Des solutions communes existent, et de nombreuses entreprises sont prêtes à partager leurs bonnes pratiques (mixité des rendez-vous clients chez Microsoft France, création d’un comité Mixités à Bercy…).

Nous voulons aussi nous attaquer aux sources des problèmes en amont, comme l’attractivité de certains métiers. #JamaisSansElles lance cette année un pôle jeunesse à destination des étudiants et du monde de l’éducation, notamment des écoles d’ingénieurs. Il faut agir à la racine pour féminiser les promotions en luttant contre une vision genrée des métiers et autres biais inconscients (y compris chez les femmes). Les jeunes ont d’autres aspirations, ils choisissent aussi les entreprises en fonction de leurs valeurs et de leurs engagements sociétaux. Les étudiants membres de notre pôle veulent agir sur le terrain, au sein de leur école, puis continuer lorsqu’ils seront jeunes actifs. Nous proposons donc un féminisme d’actions et un féminisme d’avenir !

Enfin, des coalitions s’organisent, des partenaires de #JamaisSansElles s'impliquent dans d’autres initiatives inter-entreprises. En concentrant nos efforts sur des actions concrètes, nous pourrons collectivement avoir un impact positif !

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