L’expérience du Grand Est

La conception d’un plan de relance régional

  • Juillet 07, 2021

La région Grand Est a déployé son plan de relance, le Business Act, après une vaste consultation des acteurs économiques du territoire pilotée par PwC. Un an plus tard, l’expérience reste inédite en France. Lilla Mérabet, vice-présidente de la région Grand Est, et François Cartier Laurin, senior manager chez PwC France et Maghreb, reviennent sur les raisons de son succès.


Quels enseignements retenir de cette démarche de co-construction à grande échelle ?

Lilla Merabet : Le Business Act Grand Est est un plan de relance particulier car il a été conçu pendant le premier confinement, dès mars 2020. Notre région était alors la plus touchée par la pandémie. Celle-ci a complètement déstabilisé nos convictions et nos valeurs. Nous étions déjà engagés dans une stratégie économique validée et plutôt solide ; il a fallu tout repenser.

Dans un premier temps, la priorité a été de répondre à l’urgence, en lien avec les services de l’État. Une fois passé le temps de la sidération, nous avons vite compris que notre stratégie de développement économique n’était plus en capacité d’apporter les moyens de la relance et de la reconquête économique.

Nous avons fait confiance aux ressources de notre région pour répondre très vite à l’inconnu et nous avons vécu une expérience de convergence. En termes de responsabilité publique, les collectivités décentralisées et l’État déconcentré ont cohabité. La puissance publique a montré son utilité et les dirigeants d’entreprise portent désormais un nouveau regard sur elle.

Nous avons aussi réussi à dépasser nos intérêts. État, région, représentants de branche, unions professionnelles… Tous ont rendu le rassemblement possible parce qu’un plan opérationnel très concret était visé. Ce n’était pas un exercice de prospective politique. Cette démarche novatrice, nous l’avons réalisée en cinq semaines. C’est un délai record qui nous a libérés des conjectures.

Concrètement, comment la consultation s’est-elle déroulée ?

François Cartier Laurin : La situation d’urgence nous a obligés à être très efficaces, à aller à l’essentiel. Cela a également permis de maintenir la mobilisation de tous les participants à la consultation, sur une période très intense. Le premier rôle de PwC France et Maghreb, avec notre partenaire Adit, a été d’apporter de la méthode et de la structure. 

Nous avons veillé à garder en tête l’objectif fondamental : proposer des mesures permettant la relance de l’activité économique et préparer un rebond durable. Ces propositions devaient être articulées autour de trois transformations majeures à l’œuvre dans l’économie : la transition énergétique et écologique, la transformation numérique et enfin la performance et la transformation industrielle.

Élus et services de la région, services de l’État, agence d’innovation, acteurs économiques du territoire, organisations représentatives, entreprises, citoyens : tout le monde a pu contribuer. Au total, plus de 1 000 acteurs socio-économiques se sont mobilisés et impliqués. Ce qui au départ était un facteur de complexité est aussi ce qui a permis d’avancer.

De 70 réunions et 200 contributions écrites ont émergé des propositions concrètes, pragmatiques, opérationnelles. Chacun a compris l’enjeu, sans tomber dans des listes de doléances ou de vœux pieux. C’est un vrai signe de maturité pour la région.

Quelle place l’échelon régional occupe-t-il dans la conception et l’exécution de la politique de relance ?

Lilla Merabet : Je répondrai par un exemple. Nous avons fait du très haut débit la signature de la région Grand Est, avec le développement de la fibre sur tout le territoire. Cette approche s’appuie sur deux rouages économiques : la planification et l’effet d’échelle.

Une région peut planifier le déploiement des infrastructures en prenant davantage en compte l’émergence de nouveaux modes de vie, la géographie d’un territoire, les besoins de ses entreprises à court, moyen et long terme. Elle peut ainsi mieux travailler sur son attractivité et développer les compétences nécessaires, notamment dans le numérique. A la rentrée prochaine, une école 42 et cinq écoles Simplon.co ouvriront leurs portes dans le Grand Est. Par ailleurs, Huawei installera sa première usine hors de Chine à Brumath, près de Strasbourg.

Vient ensuite l’effet de d’échelle. Dans une région, nous sommes plus forts car plus nombreux qu’au niveau départemental. Cela pèse dans les négociations et nous permet de faire des économies. Le déploiement de la fibre a coûté 40% de moins dans les trois derniers départements qu’en Alsace, où le déploiement du très haut débit a débuté. Il en va de même quand nous négocions des trains, par exemple.

L’effet d’échelle joue également en faveur d’une image forte en externe. Région transfrontalière, le Grand Est comprend 45% des frontières terrestres françaises. Parmi nos puissants voisins, les Länder allemands ont changé de posture à notre égard. Avec six millions d’habitants, une grande densité industrielle et un PIB conséquent, nous sommes désormais perçus comme un territoire qui compte.

Comment les entreprises perçoivent-elles l’échelon régional ?

François Cartier Laurin : La région correspond bien aux besoins des acteurs économiques. L’un de nos groupes de travail était composé de dirigeants d’importantes entreprises de taille intermédiaire (ETI) industrielles. Leur mission était d’impulser des orientations et de donner de la cohérence aux propositions formulées par la vingtaine de groupes thématiques. Ils se sont beaucoup investis dans la consultation car, pour eux, la région est un périmètre d’action pertinent. Leurs enjeux, du rebond économique au recrutement des talents, peuvent être pensés à l’échelle régionale, avec la région ou en collaborant entre eux.

Lilla Mérabet : Les régions sont devenues des contre-pouvoirs opérationnels. Dans un pays aussi vertical que le nôtre, c’est intéressant. L’État est fort aux côtés de collectivités qui le sont aussi. Les modalités d’exécution de la stratégie nationale doivent rester de la responsabilité de la région.

Quel rôle le Grand Est peut-il jouer en matière de souveraineté nationale et européenne ?

Lilla Mérabet : Le premier rôle est symbolique. La région agit pour réconcilier la France, les Français et le monde industriel, notamment en développant la partie services du secteur, sur le mode industry as a service. Nous devons convaincre la jeune génération qu’il y a un avenir dans cette activité.

Le deuxième rôle est expérimental. Nous sommes entourés de champions – l’Ile-de-France, les Länder allemands, la Suisse et la Belgique. Deux choix s’offrent à nous : le Grand Est peut se positionner soit comme une zone de transit, soit comme une terre d’accueil pour l’expérimentation d’innovations. C’est cette voie que nous suivons, par exemple avec la vallée européenne de l’intelligence artificielle (IA) et de la cybersécurité. Nous avons convaincu les leaders frontaliers de nous rejoindre et d’investir dans ce secteur.

Le Grand Est peut devenir précurseur, avoir une dimension d’éclaireur sur les mutations en cours. Nous avons un schéma de formation initiale et continue, un programme de relocalisation, un fonds de relance et un déploiement d’infrastructures. Nous croyons en la planification cohérente.

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Olivier Lluansi

Olivier Lluansi

Associé, Strategy& France

François Cartier Laurin

Directeur, PwC France

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